31 août 2020

10 Nègres masqués dégustant une madeleine à Copenhague








Le masque austère de l’absurde

Je sais pas si c’est moi qui vieillis ou si c’est le développement de la crétinerie constatée depuis les années nonante dans le monde (1), et qui frapperait nos têtes d’œuf préfectorales en premier… Mais il est, une fois de plus, difficile de saisir la logique qui a présidé aux dernières contraintes sanitaires.
Après nous avoir expliqué que le masque de protection ne servait pas à grand chose, et dans un seul sens (voir posts précédents), puis qu’un joggueur baveux contaminait moins qu’un pépère assis sur un banc public, banc public, banc public, voilà qu’on nous enjoint de porter le masque partout dans la grand’ ville, y compris les artères désertes, les squares peu fréquentés et les champs de Mars à l’aube. Car il est évident que nous sommes trop cons pour évaluer par nous-mêmes le geste utile. Le mieux, c’est que le joggeur baveux et le cycliste postillonnant sont exemptés de la mesure. Mais pas le scootériste ou le motard qui passent, le nez protégé par leur visière !
Quant aux écoles…
Tiens, on m'a envoyé ça !
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Demain, tous crétins ? Ici :
https://documentaire.io/science-et-technologie/demain-tous-cretins-arte/








Le racisme enfin éradiqué

Ouf ! Nos intellectuels ont enfin trouvé la solution pour éradiquer le racisme et le mépris racial. Les Noirs n’ont plus rien à craindre dans le Wisconsin, le Minnesota ou la Haute -Vienne. Les éditeurs revisitent l’histoire et la littérature, et j’apprends que les Dix Petits Nègres d’Agatha Christie ont changé de nom. Il y a longtemps que j’espérais cette remise aux normes de la pensée orthogonale, qui sauvera j’en suis sûr bien des vies. Quand j’étais petit, — vous l’avez sans doute oublié, ou alors vous n’étiez pas nés — les médias (comme on ne les appelait pas encore, d’une part parce que c’était le pluriel de « médium » et d’autre part parce que McLuhan n’avait pas encore ouvert son gicleur de ce côté de l’Atlantique), les médias donc, et les gens bien élevés évitaient le mot Juif, qu’on remplaçait bêtement par « Israélite » (alors qu’on ne parlait pas toujours de religieux…) Il n’y a pas si longtemps, le mot Noir lui-même était tabou. On lui préférait « Black », et ce faisant on en rajoutait une couche évidemment !! Dans cette confusion généralisée et ce désir d’apparaître toujours plus « pensant correct », je me réjouis du zèle des petits jeunots comme sur France-Inter l’autre jour Guillaume Meurice, qui entre deux gloussements réjouis de ses congénères supposés rigolos et impertinents de la bande à la délicate Charline Vanhoenacker, se trouvait fondé à traiter de raciste une de ses interviewées qui s’était permise de dire « Les Chinois » !
On n’est pas rendus, les enfants.
En 1955, on a supprimé la Seine « Inférieure » et en 1969 les « Basses » Pyrénées. Nul doute que ces courageuses décisions ont redoré la fierté des Normands et des Béarnais qui sans cela, auraient traîné leur honte comme faisaient les Bas-Alpins (jusqu’en 1970) et plus tôt encore les Charentais et les Ligériens inférieurs

Seules demeurent dans la honte Les habitants du Bas-Rhin. Ils seraient plus intelligents que tout le monde, ces gens-là ?




L'héroïne de "The Killing".
Y a une petite ressemblance, non ?


Droopy à Copenhague

Comme je suis allergique aux séries télé, trop chronophages, et qui te tiennent collé au canapé avec leurs odieuses manipulations scénaristiques, vous pensez bien que j’ai pris mes distances avec The Killing, la série danoise diffusée par Arte. D’ailleurs, l’héroïne dépressive a la tête de Gai-Luron (Droopy if you prefer), rate tout ce qu’elle veut y compris sa vie personnelle et n’a qu’une seule arme pour déjouer le crime : la lampe de poche (je suppose que la production est sponsorisée par Maglite) ! Alors vous pensez bien que j’ai résisté.
Et je n’ai vu que 35 épisodes sur 40 (j’ai zappé une partie de la saison 2). Non mais !

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THE KILLING
En intégralité sur Arte.tv





Longtemps, je me suis couché de bonne heure au lieu d’ouvrir la Recherche

Vous allez me dire qu’à mon âge, j’aurais pu déjà l’avoir fait (comme on « fait » la Thaïlande ou la Californie). J’ai essayé plusieurs fois ; mais la montagne me paraissait bien escarpée : en haut de la première falaise, juché sur le premier chapitre, je ne savais plus ce que je faisais là ni l’objectif de mon parcours ! Au bout des cinquante premières lignes de certaines phrases, j’avais perdu de vue qui parlait de qui et de quoi, pourquoi, comment et l’âge du premier de cordée…

Faut dire que Proust, franchement, il faut se le faire ! Sab prétend que son style est « asthmatique ». Comme lui. Moi je dirais le contraire : il en faut, du souffle, pour démarrer une phrase avec trois wagons, en raccrocher huit au passage et de plus multiplier les aiguillages !

Marcel Proust (né en 1871), de son vrai nom Marcel Proust (mort en 1922), fut un jeune homme extrêmement sensible, raffiné, généreux et asthmatique, donc. Il attribua d’ailleurs ses problèmes de santé à la guerre de 70 et à la Commune de Paris (merci Wiki). Il fut le témoin des dernières années d’un milieu social (« du Faubourg St-Germain et du Faubourg St-Honoré ») doré sur tranche mais se targuant d’art et de littérature, où un petit personnel nombreux faisait en sorte que les soirées mondaines, où il était toujours fourré, brillassent cependant d’un vif et flatteur éclat.
Brillassent. S’il y a une chose que j’adore chez Marcel, ce sont ses imparfaits et ses plus-que-parfaits du subjonctif. Il ne faudrait pas me gratter trop pour que j’en usasse itou au-delà de toute mesure. J’ai un tout petit peu plus de difficultés avec sa syntaxe alambiquée et sa ponctuation souvent imprévisible… J’eusse été André Gide que j’aurais peut-être hésité moi aussi à accepter le manuscrit, mais bon : c’est fait c’est fait… Je confesse qu’entre deux passages sublimes ou parfaitement lumineux, ou drôles, ou très malins — ou va-t-il chercher tout ça ? — je m’autorise à sauter quelques tunnels, car je n’ai plus mes jambes de vingt ans !

Marcel Proust, donc, qui n’avait pas besoin de gagner sa madeleine à la sueur de son front, passa son temps en mondanités diverses, voyages, amis, amours, arts, ce qu’il nomma « frivolités », créature d’apparence fragile prête à s’envoler au premier coup de vent, à mourir aux premiers pollens, ironique, sarcastique, flatteur, snob et d’une culture sans fond.
1903, 1905, patatras : il perd sa mère et son père. Alors il se couche. Plus rien d’autre à vivre.

Et il revisite (en le « fictionnant ») le temps passé, et pas que les petites madeleines, parce que bien des réminiscences déclenchent d’extatiques moments… Et voilà entre autres pourquoi je m’accroche. Car ces courtes failles « spatio-temporelles », souvenirs qui font remonter de tremblantes et jouissives sensations, en cette « conjonction du passé et du présent » comme dit Barthes (1), il me semble que j’en ai moult fois connu en ma fougueuse jeunesse. (Là j’ai mis fougueuse juste pour l’euphonie). Sauf que ça l’a conduit à une ascèse gourmande (s’enfermer et écrire) et que bon, pas moi. 

Ouille ! Voilà que je tombe sur de doctes analyses et de puissantes dissertations : Beckett, Kristeva, Barthes, Deleuze (les signes, la tripartition du temps et le moi à l’intérieur du temps, celui qui n’est ni perdu ni retrouvé). Du coup j’ai peur, je sais pas si je mérite. Pourtant j’ai bien aimé l’histoire des Trois clochers, sublime, la description des asperges, les réflexions sur l’écrivain Bergotte et le langage de Françoise, la servante, la vérité de l’ami qui n’est pas l’ami, le vrai écrivain qui est dans son livre et non têtant son verre devant moi. J’ai bien aimé tous les noms propres : Combray, Balbec, Swann, Guermantes, Laumes, Verdurin, Norpois, la Berma, Cambremer, Méséglise, Bergotte… Et j’ai découvert des substantifs que je n’envisageais même pas :
physiognomonique, montueux, fluviatile, dilection, nombrés, l’eupatoire, inanitiés, chimisme, ténuité, délinéation, pariétaire, dodonéenne… (Combray, Un amour de Swann, Noms de pays) mais que je placerai à coup sûr à la première occasion.

Je n’aurai sans doute pas la persévérance de tout lire. Les Jeunes filles en fleurs (Prix Goncourt 1919) me tombent des mains (et c’est bien la première fois !)
Entre parenthèses, comme je boycotte Amazon évidemment, j'ai dû faire TROIS Fnac avant de trouver mes Jeunes Filles. Soit on ne lit plus Proust, soit on se l'arrache ! Peut-être vais -je devoir boycotter la Fnac ?
Je sauterai au « Temps retrouvé », le dernier tome-clé incessamment, je crois. 

Car la question n’est pas d’avoir lu les œuvres, c’est de pouvoir en causer le soir, au fond des choucroutes. 


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(1) Pédanterie ? Allez donc écouter son interviou ici : https://www.youtube.com/watch?v=AZt2j4O6Rl4 








Hidalgo mi corazon
Je t’aime toujours, tu sais

Je ne sais pas ce que les places parisiennes ont fait à Hidalgo et son équipe, mais elle leur en veut, c’est clair. Et cette fois je suis très en colère. Ma petite place Daumesnil (oui je sais : elle s’appelle Félix Eboué depuis que Belle-Lurette est passée dans le quartier), dans le 12e arrondissement, qui n’a rien demandé à personne et qui dresse sa jolie Fontaine aux lions depuis 1880, est attaquée par les travaux… (1) 
Après avoir bousillé la place Voltaire (pardon : Léon Blum), la Bastille, la Nation, le béton triomphant et piétonnier arrive, naturellement repeint en vert écolo. Comme le discours de Sœur Anne, qui parle mielleusement de végétalisation mais abat dix arbres en bas de chez moi, pollue le parc de Bercy de nombreux caissons poubelles (!) grands, moches et inutiles, et surtout poursuit une multiplication anarchique de constructions (prévue depuis des années, je sais, et c’est même Bertrand qui a commencé !), exprès pour boucher le ciel. Dernier avatar visible : la tour Duo de Jean Nouvel dans le 13e. On ne voit que ça (180 m !), c’est bien foutu, tordu, original, mais dans une ville qui bat tous les records de densité de population, quelle logique (outre que commerciale) ? Pourquoi tant de haine ? 
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(1) : Pan sur le museau : je viens de constater que les travaux actuels ne concernent que le… "chauffage urbain". Je sais pas ce que c'est, mais il est partout. Et le projet de défiguration de la place existe bien, soyons patients…





Mon dernier monochrome vu de côté


Retour sur l’art content-pour-rien

Pour méditer de façon très plaisante (mais très intelligente) sur l’art contemporain, le comédien auteur Jacques Mougenot avait inventé un artiste qui au sens propre, dans les années nonante, aurait basé son travail sur le Rien, l’inexistant. Et même fondé l’école « vacuiste »… Rien que de très ordinaire à une époque de délires divers… Cela donne prétexte à interrogations, pseudo-enquête, et humour discret mais irrésistible ! 
Cela s’appelle « L’Affaire Dussaert » et a été joué avec succès (depuis 2002, apprends-je !) un peu partout. Ce « monologue » réjouissant constitue sur le mode léger une superbe synthèse des questions que soulève l’art en général et l’art « contemporain » en particulier.
Ce qui est drôle (mais guère étonnant), c’est que beaucoup — vraiment beaucoup !— de « journalistes » ont pris le gag au sérieux et si vous tapez « Dussaert » sur votre clavier ultra-plat, vous trouverez la biographie d’un bonhomme qui… n’a jamais existé. Comment font-ils pour être aussi nuls ? Moi qui ne suis pas journaliste, je me suis renseigné dès la sortie du théâtre (en 2014)… Même Wikipédia s’était fait avoir… avant de rectifier. Il est vrai que le personnage et l’histoire d’une œuvre « vide » achetée huit millions de francs par l’Etat est plus vraie que nature !





La page détente de juin

Vous n’y teniez plus, chers faux lovers ! Vous piaffiez d’impatience !
Voici les réponses aux problèmes du dernier numéro.
M. Belpair, de Houilles, a gagné la Porsche Cayenne (le pays de Félix Eboué —voir plus haut)
Et seuls, trois cents cinquante-deux candidats ont remporté la cuiller à aligot (un modèle en fiel de bœuf moulé à la louche sur les cuisses d’une artisanne guyannaise — voir plus bas)

LES SOLUTIONS :

Mots démis


Le Couizz :

1. La question du million



2. Il ne s’est RIEN passé entre le 4 et le 15 octobre 1582 pour la bonne raison qu’on est passé du calendrier julien au calendrier grégorien et qu’il fallait rattraper un retard astronomique de dix jours !

3. Anne d’Autriche, comme son nom ne l’indique pas, est née espagnole.

4. Vous allez rire ! La première licence de pilote d’avion fut attribuée à Louis Blériot, traverseur de Manche en 1909.

5. Facile. OTAN : Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (en angliche : North Atlantic Treaty Organization)


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Mon irremplaçable blog fête ses 13 ans et cinq mois. Ça se fête, un truc comme ça ?
Merci une fois de plus à Michaël Launay et ses éclairages matheux. Lisez donc ses livres !
Merci à Anne H., sans qui décidément la vie ne vaudrait pas la peine d’être vécue.

Et surtout, restez en éveil.