27 avril 2019

Anne, ma sœur Anne, supplique à Hidalgo



— Anne, ma sœur Anne 
(criait tout bas la femme de "La Barbe bleue" de Charles Perrault en 1697)

— Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ?
— Je ne vois rien que le soleil qui poudroie et l'herbe qui verdoie.

— Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ?
(criait tout haut un Parisien excédé en 2019)
— Ben non, je vois rien… mais c'est à cause des 6079 putains de chantiers … qui font le soleil poudroyer comme un malade !
(répondit la maire excédeuse)
— Mais pourquoi l'herbe verdoie-t-elle ?
(demanda un autre parisien bleu de barbe naissante)
— Ben c'est pasque à l'Hôtel de de Ville on pense que le progrès c'est le gazon. Et le vélo, je te ferais remarquer. Espèce de Ducon rétrograde.

Et c'est ainsi que nous entrâmes dans la Verte modernité :

En défigurant allègrement toutes les belles places (Bastille, Nation, Italie, Panthéon, Madeleine, Fêtes, Gambetta) (1)
En transformant les grands axes et les belles perspectives en parcours du combattant : bornes, contre-allées devenues parkings, pistes cyclables dessinées en dépit du bon sens, (où passent 20 vélos par jour !) ;
En multipliant les tracés vélos à contre-sens dans les petites rues ;
En laissant les chantiers privés porter leur emprise tous les cinquante mètres… Je n'aurais jamais cru que l'exigence écolo fût de laisser ainsi couler des milliers de tonnes de béton : 3461 échaffaudages en mars dernier (1) !

Résultat : un fouillis impénétrable et puant, des bouchons à toute heure du jour et souvent la nuit, un paysage urbain dénaturé… pour la bonne cause !

Chère sœur Anne,
Tout le monde partage l'espoir d'une ville dépolluée avec des espaces verts
On applaudit même à des mesures rafraîchissantes comme la piétonnisation de certains quartiers (périodiquement pour commencer) ;

Hum. Seulement voilà…
Moi, en tant qu'humble Parisien de Paris depuis soixante-dix balais (comme piéton, cycliste, scoutériste, usager des transports publics),
Chaque fois que je prends mon vélo aujourd'hui, je flippe plus que dans les années soixante et septante, où je traversais allégrement la place de l'Etoile dans le flot des bagnoles en tendant le bras avant de tourner ! (2)

Il me semble que depuis le haut de la tour du château de Barbe Bleue, vous ne voyez que la poudre à l'horizon, bien chère maire…
Et le Paris dont vous rêvez, j'en vois déjà de superbes échantillons, comme l'autre jour au quartier latin, dans la foule des touristes avec leurs prothèses à selfies, ou dans les salles du musée du Louvre où j'adorais flâner, maintenant inaccessibles… Quand je serai Président du monde, j'interdirai le tourisme de masse. D'ailleurs tiens tiens, c'est pas bon pour la planète.
Paris devient un décor d'opérette, (mais avec des travaux tous les dix mètres) qui peu à peu se vide de toute substance, une carte postale, interdite aux banlieusards (pas de parkings aux portes de la ville, contrairement à beaucoup de grandes villes européennes) et peuplée seulement de bourgeois friqués avec quelques logements sociaux pour faire joli parce que quand même, on est socialiste ! 
Et du gazon
Ceux qui soutiennent votre action ne mettent jamais un pied dehors (sauf à Ramatuelle ?) ou n'ont pas d'amis extra-muros !
Et entre nous, s'il y a moins de particules fines en surface, je te jure qu'il y a, en sous-sol dans le métro, des particules… fortes. Mais les bus sont si rares…


Voilà, chère Anne, ce que je vous aurais écrit si vous n'aviez la tête ailleurs, car, chaque fois que j'ai émis une observation auprès de vos services, j'ai reçu une réponse du genre : "Il faut accepter les nécessaires transformations si l'on veut évoluer". Autrement dit :
"Ferme la, connard, t'es pas capable de réfléchir car tu n'es qu'un affreux passéiste".

Qui cite Perrault, en plus.


A propos de Bluebeard

Pour le plaisir et la culture (et pour apaiser quelque éventuel émoi féministe), voici l'ironique "Autre moralité" de Charles Perrault à la fin de son conte "La Barbe bleue" :

Pour peu qu'on ait l'esprit sensé
Et que du monde on lâche le grimoire,
On voit bien que cette histoire
Est un conte du temps passé.
Il n'est plus d'époux si terrible,
Ni qui demande l'impossible,
Fût-il malcontent et jaloux.
Près de sa femme on le voit filer doux ;
Et de quelque couleur que sa barbe puisse être,
On a peine à juger qui des deux est le maître.









(1) : Source : Le Parisien, 27 mars. "Pour rendre Paris aux piétons" : j'ai rien demandé, chère Anne. Non plus que les joueurs de pétanque de la Nation, qui avaient déjà largement de quoi s'amuser…
(2) Cela dit, ne pas être piéton à Amsterdam ni à Strasbourg, où les cyclistes roulent comme des dingues !






1 commentaire:

  1. quelle prévenance, Justin, de calmer par avance un émoi féministe, qui pourrait éventuellement survenir ....

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A vous de jouer !
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