"Celle qui fut la Belle Heaulmière", de Rodin. Une méditation sur le temps qui passe, non ? |
« L’époque a changé ! »,
entends-je chaque jour
dans le poste
(comme on disait
avant que l’époque ait changé !)
Ça veut dire attention
Il n’est pas question de penser autrement que « l’époque »
Car l’époque a forcément raison
Nos intellectuels, nos journalistes, nos politiques ne veulent pas être largués
Ni par la quatrième dimension (le temps)
Non plus que par les trois premières, car n’est-ce pas,
« La plupart des autres pays d’Europe le font » (par exemple)
—preuve indéniable de pertinence et d’efficacité !
J’ajouterai, perfide que je suis
Que si les « Américains » le pensent
Alors, la messe est dite.
L’époque a changé
Il faut vivre avec son époque
Vieilles antiennes
D’ailleurs comment faire autrement ? Je cherchais un fiacre pour aller à vêpres
hier vers quatre heures un quart
et n’en ai point trouvé. J’en fus fort marri.
Et voilà pourquoi votre fille est muette
(et harcelée naturellement).
Le privilège de l’âge
C’est de voir défiler tant de modes de pensée
et de comportements
qui conduisent à se retrouver dans une époque et un environnement
étrangers à ce que l’on fut et ce qu’on avait envie de défendre !
Les plus souples ou les plus serviles continuent de se plier au mouvement
par conviction ou pour complaire à l’air du temps
Certains se crispent et deviennent réacs
Les plus philosophes comme me voilà
comptent les points !…
Fais pas ci, fais pas ça
Il y eut des époques
Où l’on ne mangeait pas pour se soigner
En comptant les lipides, les glucides et tout le saint-frusquin
(saints-frusquins et légumes par jour !)
Non ! l’on mangeait pour se sustenter, certes
Mais surtout, en France notamment,
Pour le plaisir et la convivialité
Il y eut même des chansons à boire
Non mais vous imaginez ça ?
Epoques obscures !
Révisionnisme
Il y eut des époques où l’on croyait au progrès de la raison et du savoir
Et ce n’était pas pour ignorer les erreurs du passé
Ni refaire l’Histoire sans la remettre à sa place
Sexe
Il y eut des époques où l’on cachait la nudité des statues
Celle-là nous dit quelque chose
Mais il y eut aussi des époques où l’on eut envie de désacraliser le sexe
Pétrifié dans la gangue de la pudibonderie religieuse et hypocrite
Le sexe était joyeux et libérateur
Aujourd’hui quand on en parle
C’est le plus souvent pour l’associer à l’abus, l’agression
Au viol parce que le sexe a repris quelque part la place du diable
Et l’on sait bien que derrière cela il y a encore et toujours
Le péché !
Le corps
Il y eut des époques où la gifle ordinaire
avait moins d’importance que l’humiliation verbale
Je ne défends pas la gifle.
Il y eut des époques où l’on ne confondait pas
un viol et une réflexion déplacée
Lexiquement correct
Il y eut des époques où l’on appelait un chat un chat
Et où dire un nain ou un Noir n’était pas forcément stigmatiser
Où l’on ne savait pas encore que rajouter des « e » avec des petits points
allaient réparer les injustices du monde
Identités
Il y eut des époques (utopiques !)
où l’on espérait vivre entre humains dans l’harmonie et le mélange
On appelait ça l’universalisme républicain
L’assignation à résidence identitaire des « minorités » (comme ils les appellent)
n’était pas encore arrivée.
Mais bon
Il y eut aussi des époques, me direz-vous,
où l’on écartelait en place de Grève
Devant des foules enthousiastes
Où l’on lynchait son prochain
Où la dénonciation du voisin était déjà commune
Mais je n’y étais pas.
Félix Leclerc
Quand les hommes vivront d’amour
Il n’y aura plus de misère
Les soldats seront troubadours
Mais nous, nous serons morts, mon frère
Qu’est-ce qui m’arrive ?
Me voilà sombrant dans le sentimentalisme !!!
Vos protestations seront les bienvenues.
Joyeuses fêtes !