Cher fidèle admirateur de la Mie
(Dear follower of The Wife of Lords)
Répète après moi
(repeat after me) :
"Je tiens à demeurer dans le courant dominant
(stay in the mainstream)
et donc défendre la pensée commune
(to speak like Naguy and Fabrice Drouelle)
Adoncques rayé-je de mon vocabulaire
les notions suivantes
(delete, delete !) :"
1. L’inconscient
Grâce à l’Eveil bouddhique, amerlocain et « progressiste » (sic), le rationnel est censé à lui tout seul régler de fort délicates questions, comme celles autour du désir, lorsqu’il y a un doute.
Nous voici enfin débarrassés de cette notion vieillotte (has been) portée par des générations de ravis de la crèche dont les enfants d’après-guerre (baby boomers) restent les plus grotesques représentants : l’Inconscient. C’est vrai, quoi, un truc compliqué, un enchevêtrement de contradictions, d’ambiguïtés, entre injonctions parentales, contingences, pulsions, envies cachées, perversions coupables. Incertitudes, complexité, pouah.
On sait, — pas besoin de creuser, puisque c’est mon ressenti d’ici et maintenant. Pourquoi se prendre les boyaux de la tête ? (1)
2. La mansuétude
Quand je vois la tronche de nos journaleux sur mes écrans très plats, tous devenus d’ailleurs chroniqueurs qui savent-ce-qu’il-faut-penser, les jeunots barbus avec sourcils froncés, ou certains vieux de la vieille ravis de se la ramener, je me demande s’il y a encore lieu de débattre ! Quel que soit le sujet (accident de la route, statut des « minorités », comportements politiques, défense des animaux, plaintes justifiées ou non, liste des courses…) la réponse est la même que celle du militant hargneux de base : Punir !
Punir ! Renforcer la réglementation, créer une loi nouvelle, réduire les espaces de liberté ! Punir ! Mais pourquoi diable laisser la parole à la défense ou à un point de vue qui serait différent ? La cause est entendue ! Mister Lynch, au paradis des quakers, est aux anges !
C’est hélas la loi éternelle des modes de pensée, qui sont cycliques. Et lorsque dans les années d’après-guerre (World war II) il restait une parole pour le pardon (quelle idée ringarde !), puis plus tard pour l’abolition de toute autorité (quelle ânerie !), aujourd’hui le balancier se re-coince du côté de la sanction autoritaire (quelle merveille !)
3. La légèreté
Papillonavirus, maladies cardio-vasculaires, mauvaise alimentation, harcèlements en tous genres, violences sexistes, sécurité routière, manque d’activités physiques, feux de forêt, sobriété énergétique, témoignages sur les violences physiques…
Je pointe au hasard quelques campagnes de sensibilisation gouvernementales qui nous mettent une pression de dingue depuis le petit déjeuner jusqu’à la tisane (ou la branlette) du soir. C’est une nouvelle tendance de l’époque ; à New-York dans le métro il y a même des affichettes sur les bons comportements à adopter…
On en a bien besoin, n’est-ce pas, de ces injonctions infantilisantes en ces temps de morosité où l’on nous serine que la jeunesse n’a plus le moral ???! Ben oui, tiens :
L’Ukraine, le pouvoir d’achat, le CO2, le retour du chômage, Israël, la censure, la Syrie, Bardella, Mélenchon,…
Ah ! Il aurait mieux valu que ces jeunes-là naquissent en 1914, en 39, pendant la guerre froide, ou dans les années attentats, c’était bien plus rigolo !
4. La langue française
Bon, ça fait 18 ans que j’en parle ici, je ne vais pas me répéter. Et puis il y en a encore dix-huit, tiens, justement, qui trouvent que tout va très bien : ce sont les « lingouistes atterrés », qui ont tout compris. Atterrants, oui !
(voir ma chronique de septembre 2023)
5. Des radios de service public
dégagées entre les oneilles
L’autre nuit, Laure Adler m’a empêché de dormir pendant une heure et demie ! C’était une redif de je ne sais quelle émission… Animée d’une agressivité baveuse, elle distribuait anathèmes et lieux communs vengeurs sur la gent masculine en défendant les « minorités » sessuelles (qui ne lui ont rien demandé. Si ?) Je ne l’ai écoutée que deux minutes, mais j’avais tellement la trouille qu’elle vînt à domicile me taillader les… choses de la vie — je te jure — que je me suis levé pour fermer un autre verrou à ma porte.
J’ai maintenant du mal à écouter les stations de Radio-France ; non que je ne sois pas sensible aux problématiques diverses liées à la chose sessuelle et genrée, mais ça vire vraiment à l’obsession : même sur France Musique, l’autre matin, il a fallu que Christian Merlin, dans son excellente émission Au cœur de l’orchestre, nous fasse un couplet sur les inconduites supposées du chef suisse Machin-Truc (vous l’aurez reconnu) !
Heureusement, entre deux « phénomène Femtech » ou « transidentité », il y a Clara Luciani et les faits divers : la disparition de Josette, un accident de tramway, un manga qui cartonne et Kim Kardashian qui pose avec un robot.
Et les marchés de Noël.
6. Le ridicule
Dieu merci (qui est revenu, si si, avec Notre-Dame et Jean-Charles de Castelbajac, vous avez remarqué ?), nous avons acquis une admirable résistance à la tentation de nous moquer. Nouvelle mode à la con, œuvre conceptuelle débile, il n’y a plus de Molière ni de Flaubert ni même d’Aristophane pour ironiser.
D’abord on ne va pas stigmatiser ; et puis on ne sait jamais !
Comme le relevait le génial chroniqueur de mode Loïc Prigent :
— Mon Dieu comme c’est laid ! On dirait la mode de l’année prochaine !
C’est que nous sommes empressés à rester dans le coup, sous peine d’exclusion. C’est un phénomène de soumission au groupe qui existe de toute éternité.
Ne pas louper le coche : Pas question de rater un Picasso ou de refuser l’édition à un nouveau Proust ! on sait bien que le rap qui nous broutait il y a trente ans deviendra la norme chez les ados boutonneux, comme le furent le jazz, le rock, la pop, le reggae et tutti frutti (2). Et les ados boutonneux deviendront des papys nostalgiques (à qui il sera reproché d’avoir laissé le monde en désordre…) Que ces voix approximatives d’adolescentes rachitiques d’aujourd’hui seront les Callas ou les Piaf de demain…
Réserve prudente, mes amis. La tour Eiffel, le Déjeuner sur l’herbe, le Sacre du Printemps, la Pyramide du Louvre, Psychose et les Tontons flingueurs furent en leur temps fort décriés…
On n’a plus le temps de peser les âmes. Et plutôt que de prendre le risque politiquement incorrect de discriminer (horreur !) de juger (depuis où ?), de phober (j’invente le néologisme qui ne manquera pas d’arriver), on gobe. C’est que trouver ridicule est une prise de risque, l’affirmation d’un choix, et le goût est maintenant réputé être à tout le monde !
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(1) D’ailleurs une certaine Marie-Charlotte Garin (je vais encore tomber amoureux) estime qu’en matière de consentement, « il n’y a pas de zone grise »…
(2) Little Richard, 1951.
Du côté de la culture
Ça, c'est Paris !
Hidalgo (bon débarras) et ses sbires bêlants se félicitent d’avoir détruit la « fontaine inversée » place de Catalogne, dans le 14e arrondissement de Paris. Ça avait de la gueule, ce disque incliné, œuvre de l’artiste Shamaï Haber, malheureusement pas entretenue et en panne depuis des années. Eh bien grâce à une « consultation publique » (?), on vient d’y planter des na-narbres. Parce que les na-narbres, n’est-ce pas, c’est joli. Et grâce à eux, la pollution mondiale va être éradiquée.
Et n’oubliez pas
C’est la poule qui philosophe
mais c’est Poltron qui philosopha (vous l’avez ?)
LES ILLUSTRATIONS DE CETTE CHRONIQUE SONT TOUTES TIRÉES D'UN OUVRAGE SUR LES "VIGNETTES FRANÇAISES FIN DE SIÈCLE" (EXTRAITES DU CATALOGUE DE LA FONDERIE TYPOGRAPHIQUE DEBERNY & PEIGNOT)