Avec toutes ces fêtes et une belle gastro,
je n'ai même pas pu terminer à temps
mon filet garni culturel des dernières semaines.
Du coup je suis juste juste alors vite vite !
Au fait, bonne année !
LE COLIS DE FIN D'ANNÉE DE LA MAIRIE
5 FILMS, 1 PIÈCE, 1 LIVRE, 6 EXPOS,
BOULETTES À LA MÛRE, BAR DU DOUBS
UN FILM
Gravity
(C'est le cas de le dire !)
Bien sûr, il y a la jolie balade dans l'espace en relief, qui fait joliment rêver. Avec des effets spéciaux assez scotchants. Encore plus réalistes que "Arrivée d'un Train en gare de La Ciotat" (1895).
A part ça, il s'agit d'un film-catastrophe assez ordinaire, avec un cataclysme définitif toutes les trois minutes : débris dus aux vilains Russes qui explosent la quincaillerie à 3 000 à l'heure, pannes d'oxygène, pannes de batterie, incendie dans le nouveau vaisseau, effet d'inertie bizarre qui incite un des astronautes à se sacrifier façon film de guerre des années 50 : — "Laissez-moi crever, les mecs", avec une petite vanne bien sentie au passage : "Ça me rappelle une histoire…"—, je t'en passe et des pannes d'extincteur !
C'est formaté pour ados (et critiques cools ou structuralistes, apparemment*) : crac-boum à tous les étages et philosophie pas trop fatigante : La vie faut s'accrocher malgré les malheurs qu'on a subis et pis notre mère c'est quand même Gaïa avec ses grenouilles. La bande-son, j'en cause même pas.
— Je vous trouve sévère, l'Ami, quoique des Veaux !
— Allez : je sauverais quand même une superbe scène, celle où se laissant doucement renoncer, l'héroïne et docteuse Ryan (jouée par une actrice pourtant assez falote) capte la radio d'un… inuit avec ses chiens, au milieu de nulle part, Tapotez Anningaaq sur votre clavier, y a un bonus excellent sur la toile.
Quant à Georges Clooney, que je trouvais beau car me ressemblant (comment ça ?), je trouve décidément qu'il a un trop gros menton, finalement.
C'est peut-être la 3D ?
Au fait, si vous avez des doutes, y a un milliard de critiques qui ont trouvé le film génial.
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*Lisez-vous les Cahiers du Cinéma ?
UN AUTRE FILM
Un Château en Italie
(et non le Chapeau de paille d'Italie)
Valeria Bruni-Tedeschi
En général, j'aime bien le ton décalé, foufou et faussement naïf de son personnage. Et puis c'est plein d'idées marrantes (une scène de trente secondes qui résume tout un processus d'approche amoureuse, l'eau bénite dans la culotte,…) Encore une fois, la famille est convoquée : le frère (malade), la mère (la vraie), l'amant (le vrai ex, me souffle-t-on*), etc. Cette fois il s'agit du château familial. On s'agite, on veut un enfant, on court, on aime, on n'aime plus, on hésite, on pleure. Particularité : aucun sentiment n'est exprimé pour lui-même, on échange peu, ou alors sur le mode de la dérision. Pas de communication chez ces gens-là, monsieur, mais beaucoup d'hystérie. J'ai pensé aux grands frottements nerveux des corps chez Chéreau. Or notre metteuse en est paraît-il une élève. Hinhin, tout s'explique ! Mais comme dit un critique, il y a un moment où il est "difficile de ne pas être dérangé par l'impudeur dérangeante dont VBT fait preuve, même si elle accouche de scènes loufoques".
Et cependant voilà un film extrêmement habile, virevoltant et original…
Impression mitigée, adoncques.
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*Louis Garrel, de la dynastie des génies Garrel : Louis, fils de Philippe, fils de Maurice !
ENCORE UN FILM
Les garçons et Guillaume, à table !
(pour les enfants et pour les raffinés)
Guillaume Gallienne
"Pour les enfants et pour les raffinés", comme disait Max Jacob** ! C'est-à-dire pas pour Pierre Murat, de Télérama, visiblement gêné aux entournures par les impudeurs de l'époque !
Galienne, c'est un mec il peut énerver, à force d'être à la mode. Seulement il a un talent certain et son film est vraiment délicieux, drôle, et même parfois bouleversant.
Pour complaire à sa mère, le petit Guillaume se persuade qu'il est une fille et grandit, comme ça, dans l'ambigüité et l'effroi de certains membres de sa famille. Voilà. Il a pas tout compris tout de suite. Un jour, sur le divan, il comprend. Alors il nous raconte. Sur scène (comme le faisait Yolande Moreau dans La mer monte) et, par mise en abyme, rejouant cette drôle d'enfance-là, ces drôles d'émois d'ados-là (dites-le à haute voix !), rejouant sa propre mère même, (magistralement !), mettant en scène errances et doutes.
Ce qui est remarquable, c'est l'élégance avec laquelle il a la politesse de ne pas s'apitoyer sur les souffrances. Au contraire, il nous fait rire goulûment : la classe ! La classe, même quand il nous conte un épisode scato hénaurme !
De plus, c'est bourré d'astuces de tournages fort élégantes ou originales ; et l'utilisation de la musique est remarquable !
Film culotté, déculotté, marrant, profond, et léger. Donc youpi.
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**A Paris sur un cheval gris
A Nevers sur un cheval vert…
UN SPECTACLE VIVANT
The Old woman, de Daniil Harms
Par Bob Wilson
(une vieille femme morte au pied de mon lit)
Daniil Harms fut un poète du désespoir gai (et absurde) du début du siècle dernier. Moi je ne le connais que depuis le début de celui-ci, ce qui n'est déjà pas mal.
Bob Wilson est un plasticien génial qui se prend pour un metteur en scène et qui y parvient depuis 45 ans ! Beaucoup moins russe que Harms (de son vrai nom Iouvatchev), Bob (de son vrai prénom Robert), qui lui, est étazunien, s'est fait connaître en France en 1971 avec l'époustouflant Regard du sourd, un spectacle de… sept heures dont Aragon a dit "Je n'ai jamais rien vu de plus beau en ce monde depuis que j'y suis né". J'y étais ! Depuis, j'ai suivi quelques créations du maître et j'étais impatient de savourer la rencontre de ces deux singuliers personnages.
Je vous la fais courte : tout est parfait… les images, la maîtrise du son et du temps, l'esprit cocasse du Ruskoff barjot revisité par l'Amerloque obsessionnel, les deux acteurs-danseurs — grands artistes par ailleurs — impeccables et efficaces… Le problème avec la perfection, c'est que parfois, justement, on aurait un peu envie que la mécanique déraille un peu, et qu'apparaisse un poil d'incertitude, un peu de vivant. J'ai vu Harms monté par des Belges, c'est vous dire l'écart.
Mais à ce niveau de qualité, on aurait tort de bouder son… Zut, j'allais sortir un cliché de critique paresseux !
Si vous voulez approcher le travail de Wilson, n'allez pas sur Wikipédia, qui sur ce coup vaut pas un pet de lapin, vous avez rendez-vous soit au Châtelet du 7 au 12 janvier, soit sur Culturebox (internet) le 7 à 18 h 20 qui retransmet EINSTEIN ON THE BEACH, une de ses œuvres importantes. Et que E = mc2 soit avec vous !
UN LIVRE
Le Quatrième mur
(Voilà : ces personnages vont vous jouer l'histoire d'Antigone)
1982. En pleine guerre du Liban, Georges, le héros de Sorj Chalendon, porté par l'idée folle d'un camarade politique, juif mais Libanais mais Grec, part à Beyrouth pour y organiser la plus improbable des utopies : monter Antigone d'Anouilh avec des acteurs de chaque camp !
Antigone sera Palestinienne, Créon chrétien, les autres druzes, chiites etc. Une heure de poésie et de répit au milieu de l'horreur.
Mais qui gagnera de la colombe ou du canon (au moment des horreurs de Sabra et Chatila) ? Devinez !
Antigone se battait pour enterrer son frère ; Georges y enterrera bien d'autres choses.
L'auteur, ancien reporter de guerre, écrit vif ; il met en place des images assez scotchantes ; il ne refuse ni émotion ni un certain lyrisme mais s'interdit l'humanisme platounet. La tragédie demeure en fil de trame. Et la poussière des sépultures éclabousse le monde. Excellent.
Prix Goncourt des Lycéens, qui est paraît-il un prix de référence. Tenez vous-le pour tenu.
UNE EXPO PHOTO
Sebastião Salgado : Génésis
Maison européenne de la Photographie
(C'est pas du power point !)
Encore un truc qui repose de certaines vaniteuses errances contemporaines, ma pauvre dame. "Des paysages, des animaux et des peuples qui ont su échapper au monde contemporain", dit le programme. Tirages noir et blanc grand format impeccables, avec un goût prononcé pour des contrastes forts, c'est puissant, superbement composé, et pourtant rien à voir avec les belles cartes postales qu'on reçoit tous les jours en pps "pour passer une belle journée et profiter de la vie" !! Regard d'hommes, paysages sublimes, ce serait comme du Arthus Bertrand avec un vrai regard qui dit quelque chose. Si vous l'avez manqué, c'est trop tard. Rattrapez-vous sur les beaux albums.
UNE EXPO ASIATIQUE
Angkor, Naissance d'un mythe :
Louis Delaporte et le Cambodge
Musée Guimet
(Ne léviter sous aucun prétexte)
Jusqu'au 24 janvier !
Le Musée Guimet est l'un des deux ou trois plus beaux musées de Paris. Par le choix des œuvres (arts asiatiques uniquement), mais aussi par ses volumes, sa lumière et donc sa muséographie en général. L'occase pour y retourner, c'était cette expo autour d'un des premiers promoteurs des merveilles khmères (imprononçable). Il a ramené de superbes aquarelles et dessins, mais surtout des moulages fabuleux, dont on nous apprend que certains sont aujourd'hui moins corrompus que les œuvres originales ! Pour méditer, pour léviter : une expo à vous rendre bouddhique comme un samyaksambuddha. Au moins.
DEUX EXPOS PAS PHOTO
En joue ! Assemblages et tirs
Nicki de Saint-Phalle
(Avant les nanas)
Picasso, monotypes
(pas si mono que ça)
Quand j'ai envie d'aller voir quelque chose d'intéressant, je ne vais ni place des Vosges, ni place du Tertre, ni à l'Espace d'animation des Blanc-manteaux qui, décidément, s'est spécialisé dans les expos approximatives de pseudo-art pseudo-contemporain — je viens d'en faire une nouvelle malencontreuse expérience. Bon bref.
Je vais traîner mes Campers (de jolies Campers noires avec des lacets grenat) du côté de la rue de Seine et de la rue Bonaparte, où les galeries font en général un joli boulot.
Galerie Vallois, j'y ai découvert qu'outre les "tirs" et ses fameuses "nanas", Nicki de Saint-Phalle avait tricoté des assemblages fascinants en forme de haut-reliefs, à base de poupées, statuettes, plâtre et objets divers : "cœurs" et "cathédrales". Tout est bien sûr d'une joyeuseté relative, tout n'est pas passionnant, mais vous savez comment sont les artistes.
http://www.galerie-vallois.com/expositions/2013/niki-en-joue.html
Plus loin dans la rue, à la Bouquinerie de l'Institut, y avait de fort beaux dessins et monotypes de Picasso. Dans leurs états successifs, au cas où on aurait oublié de presser suffisamment le citron…
L'expo est finie mais je vous prêterai le catalogue.
UN BÂTIMENT
Les Archives Nationales
(Mayonnaise et perles de culture)
Visité l'hôtel de Soubise, siège des Archives Nationales, rue des Francs-Bourgeois. Pris de légères nausées devant les tapisseries, lustres, moulures et dorures en dégueulis, mais fasciné par l'exposition de paperasses et parchemins snobants : L'ÉDIT DE NANTES ou le SERMENT DU JEU DE PAUME eux-mêmes en personne ! Des trucs qui ont changé l'Histoire de France, à 20 cm de mes pauvres œils blasés de citoyen du XXIe siècle ! Je te passe le testament de Louis XIV, la dernière lettre de Marie-Antoinette, et un "diplôme" (acte officiel) de Charlemagne.
UN RETOUR NOSTALGIQUE
Au pavillon de Paléontologie
du Jardin des Plantes
(Adèle Blanc-sec était en RTT)
C'est resté dans son jus, avec les squelettes de dinosaures de mon enfance, les bocaux avec des cochons à deux têtes, le craquement du parquet et le brouillard du jardin à travers les verrières ! Que du bonheur !
Allez, pour finir, je vous la fais courte sur
DEUX DERNIERS BEAUX FILMS
The Lunchbox
(Indien vaut mieux que la bonne gamelle)
Conte sentimental mais philosophique absolument délicieux à déguster avec deux nans au fromage.
Blue Jasmine
Woody Allen
(Mais où ai-je mis ma piscine ?)
Allez je pompe, ça ira plus vite :
"Une splendide comédie cafardeuse teintée d'amertume désenchantée" (Marianne). Splendide est un peu excessif, — pour moi c'est moins flamboyant que Cristina, etc. Barcelona —, mais la petite musique de Woody est toujours aussi magique.
Restez en éveil.
A propos du "Q"
RépondreSupprimer"Depuis quand ne met-on pas de u en français après un q ? "
R : Depuis q'on s'est rendu compte q'en Arabe (et en Farsi aussi), il y a un son, entre le k et le "click" sud-africain, qi se prononce en faisant claquer sa glotte en même temps q'on essaye d'avaler l'extrémité de la luette : n'essaye pas, on se déboîte vire la hanche à ce jeu-là….
il paraît donc approprié de transcrire ce son par un q "sec" (elle est bien bonne !) plutôt qu'un K.