D'abord, il s'appelle pas Sisyphe. En fait je n'en sais rien, car les seules paroles qu'il eût jamais proférées à mon endroit étaient dans une langue inconnue — à tout le moins exotique. Genre moldo-borgrave ou romano-batave ou !xóõ (celle-là existe !). Et méchamment, en plus ! Moi, je l'appelle Boudu. Boudu, vous vous souvenez, Michel Simon chez Renoir, sauvé des eaux comme un quelconque Moïse. Boudu, parce que c'est un clodo presque à l'ancienne, mais en plus beau, en plus grand, et qui ne picolerait point. Il habite à cent cinquante mètres de chez moi, dans le tunnel bleu la nuit. Sa maison est en carton, pirouette, cacahouète, ou encore en cageots, en palettes… Car depuis des années il la reconstruit régulièrement, comme Sisyphe poussant inlassablement son rocher qui retombe. Elle dure une semaine, sa maison, un mois ou trois jours, puis plus rien. Puis le revoilà. Quand il est inspiré, elle mesure plus de six mètres de long, habillée selon ses lubies du moment : bouteilles d'eau minérale, fringues pendues en pagaille, morceaux de contreplaqué… Et voilà mon Boudu déplaçant, rectifiant, préparant, ses petits yeux toujours concentrés sur je ne sais quelle intériorité obsessionnelle. Quand il en a terminé, il mange soigneusement sa petite barquette, puis fume tranquillement sa cigarette sur sa terrasse, — comme sur sa terrasse —, en regardant passer le chaland.
Ne lui adresse pas la parole, même un bonjour : au pire, il t'engueule, au mieux il te calcule pas. Il entretient des putains de pigeons à deux pas de sa piaule : pain trempé, frites — l'autre jour ils avaient même droit à des lardons ! J'ai peur qu'ils mutent, les rats volants ! Ou faudrait leur expliquer calmement que la mode est plutôt au végétarien, bon bref. Tu vas rire : quand mon Boudu n'est pas là, il manque dans mon paysage.
Après tout, comme disait Camus : il faut imaginer Sisyphe heureux !
The smocking truck
Alors que, pour notre grand bonheur, jeunesse et modernité, il nous est allègrement enjoint de parler la langue de l'occupant pour toutes choses, voilà que je tombe sur une résistance inattendue. Dans le quartier neuf autour de la BNF, non loin de nos habituelles réjouissantes enseignes (The Frog and British Library, Toys'r'Us, Exki natural, fresh & ready), voilà que je tombe sur un food truck au nom inexplicablement franchouillard : Le Camion qui Fume ! (il est très connu, vu la queue des amateurs de hambourgeois). Et vous savez quoi ? Cette hérésie langagière est due à une chef étazunienne, Kristin Frederick, qui porte ainsi le fer au cœur-même de notre belle tradition anglo-amerlocaine. On rêve.
Les prix de rentrée de La Mie des Veaux
aux inventions les plus débiles
(L'Echo de la Presqu'Ile) |
A tout seigneur tout honneur, la SOUFFLEUSE DE FEUILLES remporte sans conteste la palme de l'invention la plus conne de ces dernières années. Bruyante, polluante, pas plus efficace qu'un simple balai dans la plupart des cas, elle a su séduire apparemment pas mal de municipalités qui en ont équipé leurs employés fluorescents.
(Samsung) |
L'ERGONOMIE DE NOS TÉLÉPHONES INTELLIGENTS. Il fallait quand même oser concevoir des outils de communication en forme de savonnettes, avec des boutons qui dépassent intempestivement sur les côtés et des écrans tactiles à ne surtout pas effleurer par erreur ! A ne pas effleurer du tout sur le clavier, d'ailleurs, si t'as des mains d'ouvrier…
(Le Creuset) |
Elle ne date pas d'hier, pourtant. Mais qu'est-ce qui a pris à l'inventeur de LA BOUILLOIRE TRADITIONNELLE pour dessiner un machin aussi mal foutu à remplir et avec lequel on se brûle rien qu'en attrapant l'anse placée au-dessus de l'eau bouillante ???
(Reiser) |
Spécial Hommes : LES CLOISONS DE DISCRÉTION entre deux urinoirs dans les endroits publics (cafés, autoroutes, musées etc.). Ça ne me gêne pas outre mesure de pouvoir contempler la bite de mon voisin de pipi, mais enfin certains peuvent s'en trouver offusqués. Trois fois sur quatre, ladite cloison est soit trop haute, soit trop basse, soit trop courte. CQFD.
Ephémérides du mois
A y est, j'ai trouvé mon émission préférée de la télé : REVES DE COMBLES. Je te jure, ça existe, il y a une émission qui s'appelle "Rêves de combles" sur France 2-service public ! Un peu comme "La folie des chiottes" ou "La passion du démonte-pneu". Rêves de combles ! C'est en réalité de la réclame déguisée qui passe à une heure où elle est interdite. Comme quoi même si tu fermes la porte, le pognon repassera par la lucarne (du grenier) !
Et puis tiens, pour rire, j'ai retrouvé ça :
"Il faisait plus de moins dix" (France Inter)
"Le disque était persona non gratta" (Je sais pas qui)
Manu, En marche vers la grammaire :
"On peut pas interdire aux entreprises de faire des plans socials" (Macron, Cash Investigation)
J'adore la mode mais c'est tout ce que je déteste
Loïc Prigent, réalisateur génial d'un récent docu sur la mode (Arte), a collectionné des phrases drôlatiques et féroces dans ce milieu. Cela fait l'objet d'un livre chez Grasset (J'adore la mode mais c'est tout ce que je déteste) mais vous pouvez le retrouver sur ses touites. Catherine Deneuve en a lu quelques-uns sur Arte et c'est vraiment gouleyant. Extraits :
— C'est moche ! On dirait une fringue de l'an prochain !
— J'ai revendu mon appartement de l'avenue Foch : je captais pas !
— Elle habite où ? — Devant le miroir !
— Les restaurants sont vides ! — Je sais, tout le monde est à New-York !
— J'ai rêvé que je mangeais.
— Je suis au bord du cheeseburger !
— J'ai mangé, ce midi ; tant pis.
— Elle va manger au Flore : ça lui donne l'impression de lire.
— Elle mange des hommes et recrache des diamants…
Cela me rassure : l'esprit n'a pas totalement disparu. Portez-vous bien !
L'ami dévot
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