03 décembre 2008

Les colibris sont des cons

(Un dessin de Tignous emprunté à Marianne, juillet 2007)


Chaval avait publé en 1964 "Les oiseaux sont des cons". Je ne me prononcerai pas sur la question, mes connaissances ornithologiques restant assez rudimentaires. Il y a un colibri que je trouve stupide, en revanche, c'est celui qui va éteindre certains feux de forêt goutte à goutte. Mais bon : chacun sa croix, et les écolos seront bien gardés. Je vous propose pour cette édition (assez copieuse, pardon) un florilège assez hétéro (clite) d'humeurs sur des sujets aussi variés que les terrasses de café, Jean-Luc Mélanchon ou les chansons de Gérard Darmon, grand poète lyrique. N'hésitez pas à protester de vos commentaires acerbes : le mode d'emploi pour les publier est ci-contre.

LA GRAND'MESSE ÉCOLO

Les trois chevaliers de la chaufferette :
Martine Billard,
Noël Mamère
et Yves Cochet















1. Chauffer les courants d'air
Dans la catégorie "têtes à claques" de l'année, je ferais bien un joli paquet-cadeau avec les trois députés écolos de Paris qui sont récemment partis en croisade contre… les chaufferettes des terrasses : Yves Cochet, Martine Billard et Noël Mamère (fort sympathique par ailleurs) !
Ces trois défenseurs zélés de la planète considèrent en effet que les vrais responsables de l'effet de serre, ce sont les quelques fumeurs résiduels qui, privés de cafés où ils pourraient se livrer à leur coupable vice, se réfugient inconsidérément, — les pécheurs, les mécréants, les salauds ! — sur les terrasses chauffées. Horreur malheur ! Et contrairement à Saint Martin, M. Mamère ("Ah lala Mamère ! J'ai encor' d'l'argent pour bouère", disait une ancienne chanson) leur propose de "garder leur manteau".
D'abord, Noël, si tu y étais allé, tu saurais que sur les terrasses, même avec un chauffage au gaz, le manteau, on est bien obligé de le garder ! Et pis c'est sûr que c'est pas les clims des bureaux, les camions ni les usines qui polluent : c'est les trois chaufferettes. C'est pas la vapeur d'eau (voir chronique précédente) ni les centrales à charbon, c'est les chaufferettes.

2. Le colibri est un con
Alors, vient la fameuse parabole du colibri, que mon copain F. m'a contée l'autre jour. "Je fais ma part", confie le colibri en portant une goutte d'eau pour éteindre l'incendie de forêt, devant les sarcasmes des autres animaux. Je croyais qu'il l'avait inventée, cette histoire, et puis je vois qu'elle est connue. Ça vient d'un certain Pierre Rabhi ("La part du Colibri", Ed. de l'Aube, 4,66 € chez Amazon.com) "d'après une légende amérindienne". C'est joli, et à une métaphore on fait dire ce que l'on veut. Pour ma part, je trouve que le colibri est un con, et qu'il ferait mieux de militer pour changer les choses, ou à tout le moins de voter, ou à tout le moins de fonder une assoce pour acheter un Canadair ! Et en attendant, d'aider les pompiers.
Ma copine C. s'en mêle : "Je ne m'attendais pas à ce qu'un jour j'entende quelqu'un défendre l'idée que chauffer les courants d'air est une bonne chose !". Elle a raison, C. : c'est absurde ! Comme est absurde l'idée d'allumer la nuit pour éclairer ! (Chez moi, on disait "Je ne vais pas brûler le jour" !) Absurde également l'idée de se déplacer dans un truc en ferraille qui pèse une tonne (avec un rendement énergétique de 10 à 30 %) pour aller au travail ! Absurde d'acheter le moindre produit fabriqué en Chine qui est probablement le plus gros pollueur de la planète !
L'homme est absurde ! La preuve : il a inventé l'art (qui ne sert à rien), les religions (qui foutent la merde)… et les écolos purs et durs !
La civilisation est précisément fondée sur la lutte de l'homme contre la nature (et pour une fois je suis d'accord avec J.-M. Ribes), ce truc parfait qui fait juste les cyclones et les tsunamis… Et je ne suis pas loin de penser que le vrai drame écologique, c'est la démographie galopante. Qui en parle ?
Mais je m'enflamme. F. me fait remarquer que C. est Suisse, et qu'à ce titre elle est habituée depuis son plus jeune âge à faire attention à la portée environnementale de ses faits et gestes. La Suisse, ce beau pays où l'étiquette des pots des yogourts est séparée du plastique à cause du tri sélectif. Je m'esclaffe ! Le pays de GLENCORE, qui pollue les eaux et rase des villages en Colombie… Le pays de NOVARTIS, le groupe pharmaceutique qui se bat avec l'état indien en 2006 pour rendre impossible l'accès d'un médicament anticancéreux aux pauvres par l'intermédiaire des génériques… Celui de SYNGENTA qui commercialise aux Etats-Unis un pesticide dangereux (l'atrazine) interdit en Europe !

3. La culpabilité
A cette étape du politiquement, culturellement, écologiquement correct, on rejoint une des pulsions les plus enracinées de l'âme humaine : le goût de la culpabilité. Entre les trois sodomisateurs de diptères cités plus haut et les zélateurs judéo-islamo-chrétiens de tous ordres, il y a en commun cette irrépressible propension à vouloir expier (je ne suis qu'un colibri mais il faut que je paye) ou encore à désigner les fautifs avec délectation. Là, on touche au retour du refoulé, le père-fouettardisme chevillé au corps de certains de nos contemporains et moult fois stigmatisé ici.
Allez ! On va pas changer l'âme humaine.


PETITES CHOSES

Basse consommation
Les ampoules "basse consommation" durent au bas mot trois fois plus longtemps (prouvez-moi le contraire, j'en ai chez moi), mais elles coûtent cinq fois plus cher. En plus, elles contiennent du mercure (d'après Wikipédia). Merci Mazda. Ah lala, le bilan écologique d'un truc, c'est toujours vachement plus compliqué qu'on croit !

Abandonnez votre enfant
Vu qu'ils ne veulent plus de l'avortement, les Etats-uniens ont inventé l'abandon légal d'enfant. Si Alexandre refuse son biberon, allez le déposer au Nebraska (jusqu'à 30 jours depuis la nouvelle loi, dépêchez-vous !)…

Educateur d'éducation !
Je viens de remarquer que l'appellation des profs de sports, depuis longtemps à l'Educ' Nat' qui adore les sigles, c'est "Prof d'EPS". Autrement dit "Professeur d'EDUCATION (physique et sportive)" ! C'est comme ces politiques ou ces journalistes qui parlent de "petite" ou de "grande" PME (autrement dit, une petite ou grande PETITE ET MOYENNE ENTREPRISE !) Je suggère : "l'apprenti d'apprentissage".

Obama
Comme l'a dit Hollande au lendemain de l'élection d'Obama : "C'est le président des Etats-Unis, ce n'est pas le président du monde…" Un petit coup d'œil aux programmes télé de ce soir, tiens : combien de séries ou de téléfilms états-uniens sur les chaînes principales ? Allez, on parie ?
Nouveau slogan de combat pour les affligés du travail, comme me voilà : YES, WEEK-END !

Légère érection pour le Pdg (Parti de Gauche)
Vous allez rire : Mélenchon m'excite ! Il est moche, mais il m'excite ! Ses prestations sur France Inter ce matin ou encore sur Public Sénat ce soir (FACE À NOUS) ont été brillantissimes ! J'attends de voir, mais les résignés du libéralisme, les comptables, les réalistes, finissent par m'emmerder : plus je vieillis, moins je deviens "raisonnable". Ce ne sont pas les idées sages qui font avancer les choses. Et peut-être même pas les idées tout court, mais la tension entre elles. C'est pas la prise en compte des notaires pour la souffrance des pauvres qui a fait progresser le droit du travail, ce sont les tensions.
Me revoilà marxisant, ce soir, tout soudain. Beurk ! Même pas "moderne" (comme Ségo et la gauche de droite) !


LITTÉRATURE

Une leçon de chanson

Quand j'ai entendu ça sur France Inter, l'autre matin, j'ai cru qu'il s'agissait d'une parodie.
Impardonnable bévue ! Une réécoute attentive m'a confirmé que j'allais passer à côté du chef d'œuvre. De LA chose auprès de laquelle Ferré, Brassens, Nougaro, Gainsbourg et même François François sont des nains ! Applaudissements nourris chez Stéphane Bern !
Gérard Darmon sort son dernier opus, intitulé "On s'aime". Gérard Darmon, c'est l'acteur rigolo des films de Les Nuls. Il est plutôt bon sur l'écran. Et il chante aussi.

Je me suis livré pour vous à une petite analyse de la chanson vedette, "Dans les rues de ma jeunesse", afin de vous faire comprendre que la fabrication d'une chanson, c'est pas du petit lait :

Dans les rues de ma jeunesse

"Dans les rues de ma jeunesse
Les fill's, c'était des princesses
Les voitur's, c'était des DS (1)
Sagan faisait (2) "Bonjour Tristesse"

(1) La rime semble hardie, mais c'est ce qu'on appelle la "licence poétique" (à défaut d'être universitaire)
(2) GD écarte "Sagan ECRIVAIT", plus riche, mais ça aurait fait un pied de trop.

Ici, quoi que lui ait suggéré son dictionnaire de rimes, GD n'a pas écrit, et nous lui en sommes reconnaissants :

"On n'avait pas mal aux fesses
On n'en faisait pas des caisses
On changeait jamais d'adresse
J'allais tout le temps à la messe"

C'est cependant tout l'univers de la chanson nostalgique et poétique (Daniel Guichard, Hervé Vilard, Philippe Clay, Bertrand Dugenou) qui nous saute à la gueule : "Les filles, c'était des princesses, les voitures, c'était des DS", c'est tout une époque. Et une époque révolue ! Car si les voitures sont encore des Ds…

"Dans la maison de mon enfance
Ma chambre était un placard
Je me lavais dans la cuisine
Et le dimanche aux bains publics"

(Ici : grosse fatigue de l'auteur, ou perte momentanée du dictionnaire de rimes. Il est aussi envisageable que ça ait été le dernier jour pour rendre celui-ci à la médiathèque Jacques Prévert. On ne saurait lui en vouloir, car la poésie contemporaine s'est affranchie depuis longtemps des contraintes de versification)

"Sur les écrans de ma jeunesse
Les fill's ne montraient pas leurs fesses (3)
J'aimais les mûr's et les western(e?)s (4)
Et m'envoler loin de la Seine"

(3) Une paille ! Sans réfuter en aucune façon les souvenirs de l'auteur, qui lui sont parfaitement personnels, je dois à la vérité de lui rappeler, comme j'ai quasi le même âge que lui, que Mmes Bardot et Andress… Mais bon.
(4) "Western" N'EST PAS une rime féminine et ne peut pas, en principe, rimer avec Seine. En plus, "ern" et "enn", ça fait deux. Mais on voit ici à l'œuvre le vertige créateur qui ne s'encombre pas des trivialités. Les ailes de géant, je vous dis…

"Dans les journaux de mon enfance
Y avait Buck John et Blek le Roc
Tintin et l'capitaine Hadock
Et les héros du Tour de France" (5)

(5) Les "héros du Tour de France" ont évidemment cessé d'exister, depuis les "affaires" diverses en dépit du plein gré des coureurs. L'air de rien, GD pointe un fait de société important sans avoir l'air d'y toucher. C'est du grand art.

"Sur les routes de ma jeunesse
Ça sentait bon les vacances (6)
On allait chercher le soleil
A l'autre bout du monde, (à) Marseille" (7)

(6) C'est effectivement une spécificité de ces temps-là.
(7) Plaisanterie.
Dans ce couplet, on constate que l'auteur se rapproprie en douce les contraintes. Et si les deux dernières rimes sont approximatives, elles jouent astucieusement en contraste avec les deux premiers vers du couplet, qui sont libres.

Je vous épargne la suite, car l'ensemble fera probablement l'objet d'une thèse dont je vous communiquerai en temps utiles les références.
Il me reste à vous parler de la musique, signée de l'immense Marc Lavoine, qui se situe à mi-chemin entre Schönberg et Charles Dumont, en moins mélodique. Violons et boum-boum très très contemporains (des années 60), ce qui donne un amusant coté kitsch. Les grincheux, bien sûr, convoqueront les souvenirs de Bruno Carette dans le personnage de Jean Meyrand, chanteur engagé, dans les Nuls de la belle époque, mais ce ne seront que méprisables médisances.

Si vous souhaitez vraiment encore, après cela, écouter un bout de cette chanson, cliquez ici. Bonne chance !


Et malheureusement :

J'aime pas Tacite, vieux beau !

(Merci à Joël Martin, La Bible du Contrepet)

01 novembre 2008

La vie en 16/9 !






















Ne piaffez pas, fidèles abonnés ! Si je n'ai rien dit depuis si longtemps, c'est que je n'avais rien d'intéressant à dire !
En ces temps pléthoriques où dégueule le flot incontinent des commentaires sur tout et sur rien (vous avez remarqué ?), félicitez-vous au contraire de ne recueillir que parcimonieusement la subtile essence de la pensée des-veauxienne !

COUP DE CALGON :
LA VIE EN SEIZE-NEUVIEME

(Note importante du 3 décembre 2014 :
L'article qui suit a pris un sacré coup de vieux, c'est le moins qu'on puisse dire ! Moi aussi, avec mon vieux tube cathodique 4/3, je me retrouve à visionner des programmes en presque cinémascope, qui est devenu la norme, et j'ai des barres noires en haut et en bas… Voilà ce que c'est que de traîner des pieds devant les progrès du commerce ! Heureusement, j'ai un bel ordinateur grand format avec un piqué pas piqué des ver(re)s !)

Comme je fais de la photo depuis toujours et que je mets des plombes à cadrer et recadrer mes chefs-d'œuvre en fonction des lignes de force de l'image, j'ai la détestable habitude d'accorder beaucoup d'importance aux rapports de proportion. Mes premières affiches, je les composais même sur le rectangle d'or, ce qui énervait les imprimeurs (et gâchait du papier) !

C'est pourquoi j'ai jusqu'à maintenant mis un point d'honneur à ne pas acheter un téléviseur en 16/9 — qui est pourtant un joli format —, atterré que j'étais par l'image aplatie du monde que m'infligeaient du coup la plupart de ceux qui en avaient fait l'acquisition. Explication : les trois-quarts des programmes de téloche étant encore diffusés dans le format classique (un rectangle de 4 sur 3), pour profiter du bel écran plat acheté à prix d'or, ils suppriment les bandes noires sur le côté et du coup, on se tape Marie Drucker ou Laurence Ferrari élargies et avec les yeux en amande. Ce qui n'est pas grave, mais pour ce qui est des docus, des matches de foot ou des vieux films classiques (amputés depuis toujours, puisque le 35 mm est au format 2 sur 3), c'est pareil ! Ce qui donne "Psychose chez les obèses" ou "Les Enfants du Paradis dans un rouleau compresseur". A moins de régler en normal, mais à quoi ça sert d'avoir acheté un 32 pouces, Germaine, si l'image est plus petite que sur notre vieux 70 cm ? Entre parenthèses, avec le nouveau rapport de l'image, on a aussi abandonné le système métrique ! Combien ça fait de centimètres, 36 pouces ?
Le pire, c'est que depuis que France 2 émet en hertzien et sur le câble en pseudo 16/9, il y a des maintenant des bouts d'image qui manquent de chaque côté ! En plus, tout extrait d'archives est aplati comme je l'ai décrit plus haut ! Vive l'époque !
Tout va s'arranger avec la HD ?
— Raymond, il est compatible, ou pas, notre écran plat qui aplatit tout et qu'on a acheté l'année dernière ?

C'est la vie en seize-neuvième !
Ce sont les belles autoroutes faites pour aller vite mais où la vitesse est limitée même en plein jour, sur un tronçon droit, sur route sèche et avec personne ;
Ce sont les règles souvent grotesques de sécurité ou d'hygiène de Madame Europe (c'est qui, celle-là ?), avec 40 portes pour une cuisine dans un centre d'accueil d'urgence qui reçoit 70 enfants ;
C'est des chapeaux en plastique sur la tête et des gants dans les cantines scolaires pour fabriquer de la nourriture sans saveur ni odeur (pendant que les mômes sucent des chewing-gums ramassés par terre…) ;
Ce sont des cigarettes en vente libre qu'il ne faut pas fumer ;
Le catalogue officiel des espèces de fruits et de légumes autorisés à cultiver (si tu veux commercialiser une variété ancienne de patate, de tomate ou une pomme de ton choix, une qui aurait du goût, par exemple : c'est quasi impossible !) ;
C'est l'obligation de posséder un compte en banque, ce sont les "droits d'entrée" pour une assurance-vie hors de prix et injustifiés en réalité ;
Les cartes de fidélité "gratuites" des marchands qui te déduisent des sous en catimini sans que tu saches pourquoi (FINAREF, COFINOGA) ;
Ce sont les forfaits de téléphone qui te font raquer mêmes si t'as appelé personne, et qui te font raquer encore plus si tu dépasses ton quota d'heures ;
Ce sont les hot lines et les simples contacts commerciaux payants ;
Ce sont les invraisemblables emballages des cartouches d'encre de 1,3 cl pour imprimante — chez Canon, c'est un "blister" (inouvrable) + une boîte en carton + un emballage plastique à déchirer + un levier à jeter… — mais par contre, les sacs en plastique de supermarché, pouah ! (or, on sait que les déchets des particuliers ne représentent que 4 à 6 % des déchets totaux !) ;
C'est l'infantilisation généralisée : une femme a porté plainte pour avoir glissé sur une frite (1). Une autre contre Edf parce qu'une panne d'électricité est survenue au moment où elle rédigeait son cv ! (2)
La vie en 16/9 ! Quant au CO2, je vais fâcher certains de mes fidèles abonnés, mais il est moins responsable de l'effet de serre que… la vapeur d'eau (qui compte pour entre 60 et 95 % selon les auteurs) ! Et le réchauffement climatique, qui est réel, semble selon certains plutôt en corrélation avec les cycles d'éruptions solaires qu'avec le pet des limousines… Heu… ne nous fâchons pas, et ne lâchez pas surtout pas votre vélo pour autant. Que ceux qui s'intéressent à la question aillent méditer ici.
Je suggère pour bientôt des casques pour les piétons en ville (Un quart des victimes de la circulation à Paris (3)) ;

Sources
(1) Tous les journaux, récemment
(2) source : Eclectik du 01 11 08, > Le Parisien
(3) Mairie de Paris

Mais l'important, c'est L'AMOUR. Alors parlons d'amour.

PARLONS D'AMOUR

L'amour des économies de langage.
Regardez comme nous pouvons joyeusement contourner la prétentieuse nuance, la cuistre subtilité et l'épuisante variété de la langue : les journalistes ne s'en privent pas et c'est un signe. Pour éviter d'utiliser des substantifs trop compliqués comme influence, conséquence, effet ou résultat, ils utilisent tous l'anglicisme (dans sa nouvelle acception) IMPACT. Ça sert à tout, c'est tendance et ça évite de se fatiguer !
Voir aussi ADDICTION pour dépendance, TARMAC (improprement) pour pistes d'aérodrome, ou TRADER pour opérateur. Mon commentaire vous semble-t-il "impactant à l'international" ?

L'amour du public
La plus impayable émission "d'infos" du service public, c'est le consternant "FAITS DIVERS, LE MAG" diffusé le samedi après-midi sur France 2, avec des violons synthétiques et des effets de percu à la con toutes les trois secondes pour soutenir le suspense ! Quant au ton du commentaire… Comme c'est jeune ! Comme c'est vif ! Comme c'est moderne !

L'amour du ringard
Retour sans complexe de l'esprit chansonnier, qui fit les belles heures des cabarets des années 50-60, caractérisé par le jeu de mot, la vanne poujadiste sur la politique, et fortement ringardisé dans les années 70 par l'émergence d'un humour plus saignant ou absurde. A la radio, nous écoutions "Le grenier de Montmartre" ou "Le club des chansonniers". Laurent Ruquier me fait vraiment penser aux ancêtres du genre : Edmond Meunier, Robert Rocca, Jacques Grello ou Jean Amadou (un de ses maîtres, d'ailleurs, au "Caveau de la République"!)… Au secours !

L'amour du style
Je me demandais ce qui faisait l'attrait de ce magazine, "13 heures 15 le samedi", sur FR 2, alors qu'"Envoyé spécial" ne propose plus que des reportages plutôt poussifs sur des sujets sans cesse revisités (sauf rares exceptions)… C'est que "13 h 15" a un point de vue. Il fait court, très resserré, il est pertinent et impertinent, créatif, en bref il a un style, une écriture. C'est une "couleur" très "Canal Plus", du temps de sa grandeur. A ce propos, il faut encore saluer "L'Effet Papillon", en clair le dimanche sur ladite chaîne.



CULTURE

Plat, plat, Platel
"pitié !", d'Alain Platel, au Théâtre de la ville

Le public applaudit à tout rompre. Quelques sifflets, quelques hou ! (dont le mien) pour la chorégraphie…
Le public n'a sans doute jamais vu les premières productions de Platel, petites merveilles de décalage, de mauvais esprit, d'invention. Mais voilà, Platel est devenu une vedette, et le public est acquis d'avance. Il aurait mieux fait de continuer à faire ce qu'il savait faire : tout sauf de la danse. Car quand il s'y essaie, c'est une catastrophe. Le vocabulaire gestuel ici est d'une indigence à pleurer, et outre deux ou trois moments forts, l'on croirait sur scène un cours de premier trimestre d'amateurs dans une MJC, avec un animateur sans imagination. Les voici mimant tics et tocs, contorsions grotesques, jeu classique de la statue vivante pour faire une belle pieta… sans qu'à aucun moment on puisse dégager le quart du début d'un propos, d'une émotion, d'un dessein, d'un dessin. Ils souffrent, Dieu est mort (du moins c'est ce qu'on lit dans les critiques, car ça ne se voit pas sur scène), mais nous aussi !! Quelque part, je soupçonne Alain Platel de le regretter quelque part, que Dieu soit mort, car au fil de ses spectacles, les références au mystique ne sont pas rares. 10 ans de psychanalyse ou une retraite à la Grande-Chartreuse et il n'y paraîtra plus !
Heureusement, il y a la musique de Fabrizio Cassol et de son groupe free jazz Aka Moon, variations géniales sur "La Passion selon St Mathieu" de J.-S. Bach. Et les formidables chanteurs, dont un incroyable haute-contre.
Aux 3/4 du spectacle, j'ai enfin réalisé qu'il eût été tellement chouette de se contenter du concert sans ces pitoyables pantins, là, devant. Alors j'ai fermé les yeux. Mais le mal était fait !
Lisez ici une remarquable analyse de ce spectacle.


GRAND CONCOURS DE L'ÉTÉ
RÉSULTATS

Et le gagnant est… Maurice !
Qui m'a envoyé ce superbe quatrain et qui comme prévu recevra un camembert bien fait (dont il a déjà mangé la moitié chez moi il y a peu)

Rêver trop de ma mie gonfle mes génitoires ;
Le taureau que je suis ayant été un veau,
Se masturbe souvent de main aléatoire
Le membre, gredin sec, jaillit comme un thon haut

A bientôt pour de nouvelles aventures,
Et souvenez-vous que :

Mais non, Pinocchio n'avait pas de bête antique !

Votre ami dévot

05 septembre 2008

Déjà la rentrée : vous plaisantez ou quoi ?



















DE TOUT UN PEU


Pouvoir d'achat : vous en reprendrez bien une louche ?


Après l'insécurité, le chômage, les enfants victimes, revoilà le pouvoir d'achat. Ce soir, à Envoyé Spécial, sur TF2, outre l'habituel reportage insipide sur le rigolo de service à la mode, il y avait une "enquête" sur les Français en vacances, obligés de se serrer la ceinture. Il est vrai que l'essence a augmenté et que le paquet de nouilles coûte 30 centimes de plus. Ne reculant devant aucun danger, les journalistes sont allés enquêter dans une station balnéaire. On nous montre notamment un couple de cadres (5 000 euros de revenus nets pas mois) bien décidés à faire des économies. C'est ainsi qu'ils louent, les pauvres, un… mobil home à 1300 euros la semaine. Près de la plage de Pampelonne il est vrai. Dur dur. C'est tout juste si madame peut se payer un maillot de bain à 110 euros et monsieur, une chemise à 20. O abysses infinis de la récession !

Leur dira-t-on qu'il y a des maisons dans le Vercors ou le Lot à 700 euros pour huit personnes avec piscine ? (un aimable correspondant me fait remarquer que j'exagère. Voir commentaires…)

Apprendra-t-on aux journalistes que ce reportage sur les pauvres pourrait être effectué chaque année ? Qu'on n'a jamais entendu un commerçant dire : "Tout va bien, cette saison, j'ai gagné plein de fric" ?

Il est vrai qu'à force d'entendre les médias nous seriner que plus ça va, moins ça va, on va finir par croire que les Français auraient eu tort de voter Sarkozy ? Ce serait vraiment dommage.


CULTURELLEMENT INCORRECT


Un son et lumières, moi ?


Après avoir, à Avignon, vu les choses les plus pointues du théâtre contemporain, v'là ma dépression d'automne. Non seulement j'avais bien ri à "Bienvenue chez les ch'ti", ce que les copains n'ont pas fini de me reprocher, mais figurez-vous, ô abonné fidèle et CSP+, que j'ai pris du plaisir, — allez, je le dis ou je le dis pas ?— à un son et lumières à touristes ! Eh oui ! Il est vrai qu'il a coûté une fortune, qu'il a visiblement été réalisé par des vrais créateurs, avec des chorégraphies (filmées) très contemporaines, et que je ne suis pas sûr qu'il satisfasse toutes les chaumières qui s'attendent à une évocation historique à la con avec une belle voix grave à la con (la mienne, par exemple) et des musiques renaissantes à la con. C'est au château de Chambord à 22 h, précipitez-vous, c'est magique, poétique, superbe.


Incroyables jardins


Le Festival des Jardins de Chaumont-sur-Loire, que je suis depuis des années, devient paresseux. L'édition de cette année est un peu tiède : peu de "geste" artistique vraiment secouante. Mais le cadre reste somptueux : et si vous partez au crépuscule, vous verrez les montgolfières fières s'envoler au-dessus de la Loire bleue et dorée. N'oubliez pas de dîner au "Bistrot du cuisinier", à Blois, sur le quai : raffiné et inventif. 


In the American West


Secouantes, en revanche, les photos de Richard Avedon, au Jeu de Paume. D'abord séduit et même envoûté par la force des portraits, l'intensité des visages, et même la "justesse" des images de mode de son début de carrière pour le Harper'z Bazaar et Vogue, j'ai été saisi progressivement d'un étrange malaise. Inexplicable malaise, devant cet impitoyable portrait clinique des vivants. Et si les images de Beckett, Francis Bacon, Duras ou Tennessee Williams restent des "incontournables" classiques majeurs,… j'avoue avoir été perturbé, physiquement perturbé (c'est pas mon genre pourtant) par l'angoisse et la morbidité qui émanent de ces tranches de réel. Qui sont pas du réel, comme toute photographie, alors voilà ! L'angoisse congénitale de l'artiste semble contagieuse.

Jusqu'au 27 septembre au Musée du Jeu de Paume, 1, place de la Concorde à Paris.


Vous avez dit Bigard ?


Encore du Culturellement incorrect : cet aprème, sur Paris Première, suis tombé sur une captation du BOURGEOIS GENTILHOMME (pièce qui m'est chère pour des raisons personnelles et professionnelles, même si c'est pas la mieux foutue de Jean-Baptiste) montée par Alain Sachs avec… Jean-Marie Bigard ! Autrement dit tout pour que je fuie en courant. Transposée dans un univers hip hop et tout le bastringue modernisant mais pour grand public. Faut-il le répéter ? JE NE SUIS PAS "grand public", moi. Je suis "petit public", "rabougri public", "chiant d'intello public". Le genre à m'ébaudir d'une soirée "Marciac 2007" avec les plus grands jazzistes, Wynton Marsalis, Ahmad Jamal, Diane Reeves, Didier Lockwood… (le jazz, souvenez-vous : une musique savante inventée par des nègres…)

Vous ne me croirez pas : ça le fait grave ! Car non seulement le texte et les situations sont parfaitement données à entendre, mais le jeu de Bigard (que je déteste par ailleurs), justement burlesque et d'une indéniable efficacité comique, le contrepoint de Catherine Arditi, le rythme, l'inventivité délirante des costumes, la musique revisitée (on y fréquente plus Marin Marais et la techno que Lulli), tout cela fait une superbe mayonnaise tout à fait dans l'esprit plaisant de la pièce ! Je dois cependant à la vérité de dire que je me suis endormi au milieu mais c'était l'heure de ma sieste et je suis fatigué en ce moment c'est la rentrée il faut que je me repose des vacances. Bon. Je connais certains critiques qui partent à l'entr'acte…


Le grand jeu de l'été


Il n'est pas trop tard. Bande de feignants, je n'ai reçu que que trois propositions. Qui c'est qui va gagner le camembert ?

Dépêchez-vous, je vous laisse quelques jours supplémentaires : à vos plumes !


Et n'oubliez pas que :


Le chef a pris mes fiches deux mois



Bien à vous,

Lamid Evo



08 août 2008

Faits divers, faits d'été











Limousine de mes amours (à l'ail)










FAITS DIVERS, FAITS D'ÉTÉ

Pendant que vous savourez vos glaces (qui sont plus chères cet année) sur la promenade du bord de mer, non loin de la machine à pièces qui distribue des nounours jaunes, ou que vous vous délectez d'un foie gras poëlé sur un lit de confit d'oignons, baies roses, tuile au gingembre, avant d'aller savourer une pina colada au bord de la piscine, vous ne vous rendez même pas compte des horreurs que vit notre beau pays.

Je cite :
Une fillette tuée par l'orage
Un bébé tué par une pierre à Bonifacio
Un enfant affreusement tué à coups de couteau à Lagnieu
Deux jeunes étudiants assassinés à Londres
Un enfant tue son camarade à coup de fusil de chasse
Un homme mis en inculpation pour viol sur une fillette
Un adolescent battu à Clichy
Un bébé laissé dans une voiture sauvé par un passant
Une fillette de 12 ans séquestrée plusieurs heures par un homme
Une fillette tuée d'un coup de fusil…

Nos enfants sont en danger. Déjà, on nous avait prévenus au début de l'été : les systèmes de sécurité des piscines ne sont guère fiables et certains laissent fondre leur marmot derrière les glaces fermées de leur Clio.

Maintenant il faut aussi se méfier des hommes, des falaises, de la foudre et des passages à niveau.
Des taureaux s'échappent dans les Alpilles, le moustique méchant arrive dans les Bouches du Rhône et les jeunes huîtres elles-même s'en mêlent.

Heureusement, heureusement que Carla Bruni assure la promotion de son nouvel album par membres du gouvernement interposé. Ça rafraîchit.

Vivement les J.O. Vous ne voyez pas qu'on se mettrait à parler de la réforme de la constitution, de la hausse du prix du gaz, de l'annonce de Christine Albanel, ministre de la culture (sic !) selon laquelle le chef de l'Etat lui-même nommerait le patron des télés publiques… Qu'on parle de Michel Bon, fossoyeur de France Télécom (20 milliards de pertes), de la privatisation de la Poste, de la taxation des mutuelles, de l'Irak, de l'Afghanistan ou de la Mauritanie ?

Dormez, bonnes gens, mais surtout, surtout, surveillez votre progéniture.

Sondage de rentrée (en primeur, copyright La Mie des veaux) : 87 % des Français ont le moral dans les chaussettes.

MICROCOSME

A propos de l'affaire Siné, veuillez cliquer un peu partout pour en connaître les tenants et aboutissants (notamment le site d'arrêt sur images, celui de Rue89, de Bellaciao et même du N'Obs), mais j'ai choisi de signer la pétition en sa faveur, comme Jean-Luc Godard, Edgar Morin, Jean Nouvel et Michel Polac. Avec d'autant plus de bonne conscience que je ne déteste pas Philippe Val, qu'aime pas trop la bande à Bourdieu, comme moi, et que Siné ne me passionne pas. Mais il y a des principes à défendre, dans cette histoire. Et j'en ai marre de ces cris d'orfraie dès qu'on cite le mot "juif".

Et voilà :

Encore une colonne achevée !

(Merci à Joël Martin, La Bible du Contrepet, R. Laffont)


Votre ami dévot,
Justin Colbart

10 juillet 2008

Vite, l'été ! Grand jeu 2008 etc.






Un détail d'une œuvre de Katerine Louineau
Avec mes remerciements











Déjà les vacances et je n'ai eu le temps de rien !
Vite, les rubriques auxquelles vous avez échappé :

- A bas l'état (d'esprit) policier ! !
Profitons-en avant que l'internet soit définitivement sous surveillance !

- Culture : on va finir par regretter Jack Lang !

- Rupture : quand Sophie Calle à la BNF se donne le beau rôle… (Cela dit, très belle expo)

- La morale qui nous poursuit, même à la radio : mais non, "On" ne nous prend pas systématiquement pour des nains !

- La probité et l'esprit de conséquence de mes amis les journalistes
(Exemple : le lendemain de la panne d'électricité à l'hôpital St-Antoine, on nous annonce sur toutes les chaînes qu'un des patients déplacés est décédé… mais QUE ÇA N'A AUCUN RAPPORT AVEC L'ÉVÉNEMENT !!! Alors pourquoi en parle-t-on ?)

- "Carpe diem", la phrase à la mode : autrement la philosophie à la portée de tous les neurones ! Vive Pps et ses adeptes !

- Au cas où ne seriez pas au courant : Ingrid Betancourt a été libérée.

Et bien sûr, le

GRAND JEU DE L'ÉTÉ :

Ecrivez soit un quatrain, soit dix lignes en prose, soit une œuvre graphique contenant obligatoirement les mots suivants (ou leur représentation) :
Mie, veaux, aléatoire, gredin, thon, sec.
(Je suis impatient de voir la représentation graphique de "aléatoire", par exemple…)

Dans la catégorie quatrain, le gagnant recevra un camembert bien fait.
Dans la catégorie diling, une sonnette de vélo.
Dans la catégorie images, une image.
Sauf dans le cas où une création serait vraiment un coup de génie, auquel cas son auteur recevrait un ordinateur neuf (ou une clé usb).

Envoyez vos œuvres par les commentaires (je les garderai pour moi jusqu'à la rentrée) ou par courriel perso pour ceux qui me connaissent dans le civil.

Bonnes vacances !

Et n'oubliez pas que :
Le chef de gare a offert un pineau à son porteur…


30 avril 2008

Spécial Mai 68… et moi



Vaqui lo polit mes de mai
Que tout galant planta son mai
N'en plantarai un a ma mio
Serà mai aut que sa teulisso

(chanson traditionnelle occitane)






















1. Coup de blues


Ça a commencé par une émission sur France 3, il y a quelques semaines. Il y avait Max Gallo, Edouard Balladur, Jean-François Copé et Daniel Cohn-Bendit. Curieux plateau en vérité. On surfait encore sur la vague de l'impayable discours de Sarko : "Voyez comment l'héritage de Mai-68 a introduit le cynisme dans la société et dans la politique… Voyez comment le culte de l'argent-roi, du profit à court terme, de la spéculation, comment les dérives du capitalisme financier (sic) ont été portées par les valeurs de Mai-68…" (Je vous en livre les meilleurs extraits : vous trouverez en bas un lien pour en lire l'intégralité)

Curieuse émission pour tout dire : il y avait, parmi d'autres, un sujet sur l'exemplaire comportement de la police et des réflexions pathétiques de Jean-François Copé sur le "simple monôme d'étudiants"… Même Balladur avait des propos plus subtils et pondérés !

Ce soir-là, j'ai eu un vieux coup de blues.
N'allait-on plus entendre que la parole simpliste et revancharde d'encore jeunes vieux cons (même très sympathiques) ?

J'avais envie d'écrire "Nous avions vingt ans et sans en rien connaître, nous voulions changer la vie" !
J'avais envie d'écrire que "Sous les pavés la plage", ça vous avait une autre gueule que "Travailler plus pour gagner plus" !
Et que sous la tempête dans les crânes de ces années-là, il y avait à tout le moins un questionnement radical sur le sens des choses…

Depuis, heureusement, des flots d'articles et de bouquins ont coulé sous les ponts de nos quinquets avides. Et pour ne pas parvenir à se faire une religion sur la complexité de la chose, il faut le faire exprès !

2. Il est obligatoire d'interdire

Tout a été dit.
Que tout est parti de la protestation contre la guerre du Vietnam, l'assassinat de Martin Luther King, de Che Guevarra, ou de l'espoir de certains pays de l'Est de "rendre au socialisme un visage humain" ;
Que tout est parti des étudiants mâles de Nanterre, qui avaient occupé un an plus tôt le… dortoir des filles ;
Que la révolte était avant tout une révolte de fils à papa ;
Qu'ils ne voulaient pas prendre le pouvoir parce qu'ils n'auraient pas su quoi en faire ;
Que les outils d'analyse du marxisme et sa phraséologie pétrifiée n'étaient peut-être pas les meilleurs atouts pour… "jouir sans entrave" ;
Que d'ailleurs, les slogans étaient absurdes, comme "Il est interdit d'interdire" (sans voir au passage la poétique contradiction de la proposition : il est donc également impossible "d'interdire d'interdire" !). Comme dit Sab : aujourd'hui, Dieu merci, il est obligatoire d'interdire !
Que c'est encore les petites amies des lanceurs de pavés qui préparaient la popote ;
Qu'à force de contester l'autorité, on a bien vu ce que ça donnait à l'Ecole de la République ;
Qu'à force de rechercher compulsivement le plaisir immédiat et individuel on a développé… l'individualisme ;
Qu'à force d'en vouloir à l'autorité de l'Etat et en particulier à De Gaulle, on créait le lit du libéralisme et du retour à un certain atlantisme ;
Que la CGT et le PC vraiment ne trouvaient pas cela très raisonnable ;
Que, définitivement, tout cela n'était vraiment pas raisonnable…
Tout cela est vrai. Sarko a-t-il raison ?





3. En 68, j'étais vieux

En 1968, moi, j'étais vieux. Comme Jean-François Copé.
J'étais du genre à poser les mêmes questions : "Mais ousque ça va aller si on sait pas ousque ça va aller ?"
Et puis voilà qu'un tsunami mental m'a emporté : rôle de l'éducation, rôle des femmes, rôle de l'art, de l'argent, de la famille, de la consommation, des vieux schémas politiques, sens de la vie, enfin… : il fallait le refaire, bon Dieu, le monde, oui ou merde ?
Je n'ai pas lancé de pavés (heu… je n'ai pas non plus matraqué).
Mais comme j'étais dans une école d'art, on a fait la révolution culturelle ! Pas la chinoise : une révolutionnette ouverte, artistique, humaniste, solidaire et bordélique.
Ça a commencé de façon parfaitement absurde. Un matin, une poignée d'élèves devant la porte fermée. Qu'est-ce qu'on fait ? On fait la grève ! Et roule ma poule, on s'est pris pour des vieux routiers du militantisme : cellules d'écoute permanente des médias ; commissions, sous-commissions, refaisage du monde (Commission "Enseignement artistique"), conférences sur le dessin d'enfant, le théâtre contemporain, Marcuse, Reich, invitation de Clara Malraux, création d'une troupe de théâtre, fabrication d'une structure géante depuis les caves jusqu'au ciel…
Y a plus eu de métro : j'allais en solex. Y a plus eu d'essence : j'allais à pied. D'autres restaient à dormir. Moi j'ai fondé bien sûr un petit journal…
















Le Parisien et Paris-Match s'en fourraient jusque là ! Tu penses, des bagnoles qui brûlent et de la castagne !
Les petits groupes anars, trotskards ou maos dont on n'avait jamais entendu parler s'engouffraient dans la brèche : tu penses, c'étaient les seuls à proposer des théories !
Les politiques traditionnels ne comprenaient rien au film (ils n'étaient pas les seuls). Tu penses, "Elections, pièges à cons" !
N'empêche, quand il s'est agi de recadrer les revendications ouvrières, les négociations ont abouti à des résultats importants (+ 35 % du SMIG, l'ancêtre du SMIC, + 10 % en moyenne pour les autres salaires, selon Wikipedia, et reconnaissance de la cellule syndicale d'entreprise !) Nous autres, on trouvait ça un peu mesquin, de ne s'intéresser qu'au fric… Ça paraît ridicule aujourd'hui, non ? Est-ce que ça l'est vraiment ?…
Et puis on parlait ! On se parlait ! Mai-68, révolution logorrhéique !!!

4. Sarko et l'éléphant

Sarko ne cherchait pas à analyser Mai-68, il tentait un coup pour draguer du côté de la France réac et bien pensante. Alors il a fait comme les six aveugles de la fable devant l'éléphant : Mai-68 est totalitaire (CRS=SS), sans foi ni loi (Vivre sans contrainte et jouir sans entrave), individualiste (Mes désirs sont la réalité)… Mais l'éléphant a une trompe ET des défenses ET des grosses pattes ET des poils !

Je ne redirais pas — tant d'autres l'ont dit — que lui-même, Not'-Bon-Président-que-Benoit-XVI-l'ait-en-sa-Sainte-garde, est paradoxalement un enfant de ces années-là : il est dans le jouir, il s'autorise un remariage express impensable à cette époque où les femmes ne pouvaient ouvrir un compte sans l'autorisation de leur mari, où la pilule venaient à peine d'être votée, où la sexualité était quasiment un péché, où l'IVG était punie de prison, ou le divorce était compliqué.

Ah il y en a eu plein, des excès grotesques, et même des conneries, c'est la loi du genre : le black-out sur les sentiments familiaux, par exemple ! Ou l'interprétation de toutes choses en termes de luttes des classes, qui a plombé bien des études… L'idée qu'une femme devait dire oui sinon t'es coincée, chérie… On était passé d'un extrême à l'autre, cette fois c'est la loi du balancier… Il fallait TOUT remettre sur le marbre !

Mai-68, ça n'a pas duré un mois ; ça a duré des années ! Et sous la période de glaciation pompidolienne (alors c'est à cause de lui, si l'Ecole est devenue si mauvaise ?) couvaient encore les idées dont les Evénements avaient été le catalyseur : antistalinisme, remise en cause de la consommation névrotique, sensibilité à l'écologie, implication sociale et politique, collégialité, solidarité, défense pointilleuse de la liberté et refus des censures, libération des mœurs…

5. N'en parlons plus

N'en parlons plus. Surtout si c'est pour faire comme l'auteur du discours de Sarkozy ou Jean-François Copé, proférer des âneries.
C'est d'ailleurs ce que préconise Daniel Cohn-Bendit dans son livre : "Forget 68 !" (Ed. de l'Aube, France Inter)
Très curieusement, c'est lui qui en parle le mieux, et pas que en bien.
Son analyse dans l'interview de Télérama est lumineuse. Forget mon article et lisez le sien ici :

Bonus

Comme "cadeau gratuit" (c'est ainsi que sont les cadeaux maintenant dans les réclames : gratuits !!!)
permettez-moi de vous offrir quelques bribes de la pensée Soixante-Huit, version poétique :

DIEU, JE VOUS SOUPÇONNE D'ÊTRE UN INTELLECTUEL DE GAUCHE (Condorcet)
DESSOUS LES PAVÉS C'EST LA PLAGE (Sorbonne)
MAKE LOVE, NOT WAR (Nanterre)
RIEN (Censier)
NE ME LIBÈRE PAS JE M'EN CHARGE (Nanterre)
SISYPHE !… (Censier)
NOUS SOMMES TOUS DES JUIFS ALLEMANDS (Sorbonne)
SOYEZ RÉALISTES, DEMANDEZ L'IMPOSSIBLE (Censier)
ENRAGEZ-VOUS ! (Nanterre)
DANSONS LA GIGUE (Nanterre)
LAISSONS LA PEUR DU ROUGE AUX BÊTES À CORNES (Beaux-Arts)
L'IMAGINATION PREND LE POUVOIR (Sciences Po)
LA VIE EST UNE ANTILOPE MAUVE SUR UN CHAMP DE THONS. TZARA (Sorbonne)

Tzara : quand je vous disais que Mai-68 était dada : nous y v'là !

N'oubliez pas en revanche que :

Les électrices trotskystes ont des votes bien menus

Sous le goudron, le muguet,

Votre ami dévot

Le discours de Sarkozy, 29/04/07

28 mars 2008

Moi je dis ça, je dis rien !




Encore du sang ???


Et puis décidément je vais finir par me fâcher avec "Les Cahiers du cinéma". 

A peine sorti de "No Country for Old men" avec deux points d'interrogation et un point d'exclamation au-dessus de ma jolie tête blonde, je me précipite sur la critique des Cahiers pour essayer de comprendre pourquoi ce film se balade avec des étoiles partout ! Hé ! Je tombe sur un article de Vincent Malausa qui est un modèle du style dithyrambico-cinéphilo-masturbatoire, joufflu et emphatique, habile mais qui pourrait s'appliquer à n'importe quel objet, y compris un extincteur d'incendie. On dirait une plaquette pour une galerie d'art contemporain. Là où je n'ai vu, moi, qu'un énième polar westernisé sur le thème archi rebattu de l'infernale poursuite avec un tueur psychopathe très méchant, le meussieu me dit que "dans l'irradiation et le tâtonnement, No Country for Old Men avance […] vers une extinction des signes". Ou que (à propos des flous) "Recoller en aveugle à l’action, s’exposer à la part d’illisibilité et d’inefficacité de la perception, voilà qui agit comme un coup de fouet dans une oeuvre plutôt encline à s’étourdir de sa transparence et de sa netteté". Ouais : un savoir-faire incontestable de cinéastes, certes, (d'ailleurs dans la pub on sait très bien aussi manier les cadrages décalés) mais au service de quoi ? 

En l'occurrence, d'un scénario archi-banal avec le kit habituel : le tueur fou, le cave obstiné, le flic désabusé flanqué d'un assistant niaiseux, hémoglobine par litres, virilité, poussière et soleil implacable. Et de même, une fatigante complaisance à l'exposition du sang et de la violence (mais pourquoi faut-il toujours aux Etats-uniens vingt-huit morts pour qu'on ait peur ?). Vous alliez me dire que ce n'est pas l'histoire qui fait le chef-d'œuvre, et vous auriez raison. Je vous aurais répondu : encore faut-il qu'il y ait un regard, un point de vue singulier, une "transcendance" (ça y est, ça me reprend !)… 

Or là, il y a… de l'habileté. Et certes, une distribution irréprochable. Je concède encore, sous-jacente à la grosse machinerie, une sorte d'humour du "trop" (une spectatrice un peu plus loin et moi étions pliés de rire à voir les héros se sortir toujours des plus sanguinolentes situations – on pense à Indiana Jones ou à Sacré Graal !). A la fin notamment, on a même l'impression que les auteurs ont envie de se poiler un peu.

Seulement ça dure 2 h 20 et c'est moins rigolo que "Bienvenue chez les ch'tis"… Comment ça, comparer ce qui est comparable ?

Concours : si vous avez compris la dissertation de philo du flic désabusé dans la dernière séquence, écrivez-moi, vous avez gagné !


Si vous voulez connaître un avis plus rassurant et positif que le mien :


Article de Jacques Morice (Télérama)


La Vie chère


Entre deux pensées négatives, célébrons pour une fois les progrès du progrès :


PARABOLE RELATIVISTE

Quand j'étais petit, il n'y avait pas de frigo à la maison ; encore moins d'eau chaude, encore moins de salle de bains ; quand aux "cabinets", ils étaient dans l'escalier…

Quand j'étais petit, il n'y avait pas le téléphone à la maison ; à la place de la télé, il y avait un gros poste de radio sur le buffet…

Quand j'étais petit, les enfants n'avaient pas un milliard de peluches dans leur chambre ; d'ailleurs, je n'avais même pas de chambre… Et le train électrique à gros rails était probablement mon bien le plus précieux…

Et pourtant, je n'ai commencé à être malheureux que quand je suis allé au collège Arago, avec tous ces fils de bourges qui avaient le téléphone et des glaçons.

C'est vrai que le prix des pâtes a augmenté de 40 à 60 % et que c'est un scandale.


Getting on in english


Dans la série "Voyons donc où en est notre belle langue", feuilletons ensemble un hebdomadaire sérieux d'informations. Dans les pages de pub (36 % du journal), sur 35 slogans, 11 sont en anglais. La preuve :


RENAULT, constructeur tricolore, appelle son bureau de location de voitures : 

RENAULT RENT


ORANGE, propriété de France Télécom : pourquoi traduire ? 

ORANGE BUSINESS SERVICES


Au moins J.M. WESTON, marque française basée à Limoges, a-t-elle toujours joué sur la connotation "british" de ses pompes. On ne lui reprochera donc point d'appeler ses modèles : 

BLAKE, ASTON ou RACING…


NATUZZI vend des canapés italiens (uniquement dans des "Natuzzi STORES"). Il est donc naturel que leur signature reste en anglais : 

IT'S HOW YOU LIVE


VOLVO, marque suédoise au nom latin qui veut dire "Je roule", a choisi pour slogan : 

VOLVO. FOR LIFE


TISSOT. En Suisse, on parle anglais, c'est bien connu : 

MORE THAN A WATCH


Et en Allemagne, pareil : 

LUFTHANSA, THERE'S NO BETTER WAY TO FLY.


SONY, l'affaire est entendue : 

LIKE. NO. OTHER (le point entre les mots est très porté, ce printemps)


LAND ROVER, no comment : 

GO BEYOND !


FORD : FEEL THE DIFFERENCE (même pas traduit au bout d'une astérisque, cette fois)


En ADECCO, je ne sais pas ce qu'on parle. C'est une société internationale basée en Suisse. Qui dit international dit anglais bien sûr :

BETTER WORK, BETTER LIFE


Au milieu de tout ça, pleurs de joie ! UNE jolie exception dans cet insupportable faillotage :

La marque VOLKSWAGEN se démarque : DAS AUTO

Un petit rai de lumière dans ce monde vendu à l'anglais (qu'il faudra tout de même un jour songer à rebouter hors de France — et non rebooter — encore une fois : il est vrai qu'avec Sarko, on est mal barré !)


Quant à SKODA, elle n'est pas du tout à la mode et sa signature est en français : SIMPLEMENT ÉVIDENT

Ainsi que, très curieusement, MICROSOFT : VOTRE POTENTIEL, NOTRE PASSION (Vu le caractère génial de cette création, je me demande si je ne l'aurais pas préférée quand même en anglais…)