La Vie des Mots, Ce que parler veut dire… Chroniques ironiques sur l'actualité, la langue, les médias… Un blog sans métaux lourds et à Haute Qualité Environnementale…
01 novembre 2008
La vie en 16/9 !
Ne piaffez pas, fidèles abonnés ! Si je n'ai rien dit depuis si longtemps, c'est que je n'avais rien d'intéressant à dire !
En ces temps pléthoriques où dégueule le flot incontinent des commentaires sur tout et sur rien (vous avez remarqué ?), félicitez-vous au contraire de ne recueillir que parcimonieusement la subtile essence de la pensée des-veauxienne !
COUP DE CALGON :
LA VIE EN SEIZE-NEUVIEME
(Note importante du 3 décembre 2014 :
L'article qui suit a pris un sacré coup de vieux, c'est le moins qu'on puisse dire ! Moi aussi, avec mon vieux tube cathodique 4/3, je me retrouve à visionner des programmes en presque cinémascope, qui est devenu la norme, et j'ai des barres noires en haut et en bas… Voilà ce que c'est que de traîner des pieds devant les progrès du commerce ! Heureusement, j'ai un bel ordinateur grand format avec un piqué pas piqué des ver(re)s !)
Comme je fais de la photo depuis toujours et que je mets des plombes à cadrer et recadrer mes chefs-d'œuvre en fonction des lignes de force de l'image, j'ai la détestable habitude d'accorder beaucoup d'importance aux rapports de proportion. Mes premières affiches, je les composais même sur le rectangle d'or, ce qui énervait les imprimeurs (et gâchait du papier) !
C'est pourquoi j'ai jusqu'à maintenant mis un point d'honneur à ne pas acheter un téléviseur en 16/9 — qui est pourtant un joli format —, atterré que j'étais par l'image aplatie du monde que m'infligeaient du coup la plupart de ceux qui en avaient fait l'acquisition. Explication : les trois-quarts des programmes de téloche étant encore diffusés dans le format classique (un rectangle de 4 sur 3), pour profiter du bel écran plat acheté à prix d'or, ils suppriment les bandes noires sur le côté et du coup, on se tape Marie Drucker ou Laurence Ferrari élargies et avec les yeux en amande. Ce qui n'est pas grave, mais pour ce qui est des docus, des matches de foot ou des vieux films classiques (amputés depuis toujours, puisque le 35 mm est au format 2 sur 3), c'est pareil ! Ce qui donne "Psychose chez les obèses" ou "Les Enfants du Paradis dans un rouleau compresseur". A moins de régler en normal, mais à quoi ça sert d'avoir acheté un 32 pouces, Germaine, si l'image est plus petite que sur notre vieux 70 cm ? Entre parenthèses, avec le nouveau rapport de l'image, on a aussi abandonné le système métrique ! Combien ça fait de centimètres, 36 pouces ?
Le pire, c'est que depuis que France 2 émet en hertzien et sur le câble en pseudo 16/9, il y a des maintenant des bouts d'image qui manquent de chaque côté ! En plus, tout extrait d'archives est aplati comme je l'ai décrit plus haut ! Vive l'époque !
Tout va s'arranger avec la HD ?
— Raymond, il est compatible, ou pas, notre écran plat qui aplatit tout et qu'on a acheté l'année dernière ?
C'est la vie en seize-neuvième !
Ce sont les belles autoroutes faites pour aller vite mais où la vitesse est limitée même en plein jour, sur un tronçon droit, sur route sèche et avec personne ;
Ce sont les règles souvent grotesques de sécurité ou d'hygiène de Madame Europe (c'est qui, celle-là ?), avec 40 portes pour une cuisine dans un centre d'accueil d'urgence qui reçoit 70 enfants ;
C'est des chapeaux en plastique sur la tête et des gants dans les cantines scolaires pour fabriquer de la nourriture sans saveur ni odeur (pendant que les mômes sucent des chewing-gums ramassés par terre…) ;
Ce sont des cigarettes en vente libre qu'il ne faut pas fumer ;
Le catalogue officiel des espèces de fruits et de légumes autorisés à cultiver (si tu veux commercialiser une variété ancienne de patate, de tomate ou une pomme de ton choix, une qui aurait du goût, par exemple : c'est quasi impossible !) ;
C'est l'obligation de posséder un compte en banque, ce sont les "droits d'entrée" pour une assurance-vie hors de prix et injustifiés en réalité ;
Les cartes de fidélité "gratuites" des marchands qui te déduisent des sous en catimini sans que tu saches pourquoi (FINAREF, COFINOGA) ;
Ce sont les forfaits de téléphone qui te font raquer mêmes si t'as appelé personne, et qui te font raquer encore plus si tu dépasses ton quota d'heures ;
Ce sont les hot lines et les simples contacts commerciaux payants ;
Ce sont les invraisemblables emballages des cartouches d'encre de 1,3 cl pour imprimante — chez Canon, c'est un "blister" (inouvrable) + une boîte en carton + un emballage plastique à déchirer + un levier à jeter… — mais par contre, les sacs en plastique de supermarché, pouah ! (or, on sait que les déchets des particuliers ne représentent que 4 à 6 % des déchets totaux !) ;
C'est l'infantilisation généralisée : une femme a porté plainte pour avoir glissé sur une frite (1). Une autre contre Edf parce qu'une panne d'électricité est survenue au moment où elle rédigeait son cv ! (2)
La vie en 16/9 ! Quant au CO2, je vais fâcher certains de mes fidèles abonnés, mais il est moins responsable de l'effet de serre que… la vapeur d'eau (qui compte pour entre 60 et 95 % selon les auteurs) ! Et le réchauffement climatique, qui est réel, semble selon certains plutôt en corrélation avec les cycles d'éruptions solaires qu'avec le pet des limousines… Heu… ne nous fâchons pas, et ne lâchez pas surtout pas votre vélo pour autant. Que ceux qui s'intéressent à la question aillent méditer ici.
Je suggère pour bientôt des casques pour les piétons en ville (Un quart des victimes de la circulation à Paris (3)) ;
Sources
(1) Tous les journaux, récemment
(2) source : Eclectik du 01 11 08, > Le Parisien
(3) Mairie de Paris
Mais l'important, c'est L'AMOUR. Alors parlons d'amour.
PARLONS D'AMOUR
L'amour des économies de langage.
Regardez comme nous pouvons joyeusement contourner la prétentieuse nuance, la cuistre subtilité et l'épuisante variété de la langue : les journalistes ne s'en privent pas et c'est un signe. Pour éviter d'utiliser des substantifs trop compliqués comme influence, conséquence, effet ou résultat, ils utilisent tous l'anglicisme (dans sa nouvelle acception) IMPACT. Ça sert à tout, c'est tendance et ça évite de se fatiguer !
Voir aussi ADDICTION pour dépendance, TARMAC (improprement) pour pistes d'aérodrome, ou TRADER pour opérateur. Mon commentaire vous semble-t-il "impactant à l'international" ?
L'amour du public
La plus impayable émission "d'infos" du service public, c'est le consternant "FAITS DIVERS, LE MAG" diffusé le samedi après-midi sur France 2, avec des violons synthétiques et des effets de percu à la con toutes les trois secondes pour soutenir le suspense ! Quant au ton du commentaire… Comme c'est jeune ! Comme c'est vif ! Comme c'est moderne !
L'amour du ringard
Retour sans complexe de l'esprit chansonnier, qui fit les belles heures des cabarets des années 50-60, caractérisé par le jeu de mot, la vanne poujadiste sur la politique, et fortement ringardisé dans les années 70 par l'émergence d'un humour plus saignant ou absurde. A la radio, nous écoutions "Le grenier de Montmartre" ou "Le club des chansonniers". Laurent Ruquier me fait vraiment penser aux ancêtres du genre : Edmond Meunier, Robert Rocca, Jacques Grello ou Jean Amadou (un de ses maîtres, d'ailleurs, au "Caveau de la République"!)… Au secours !
L'amour du style
Je me demandais ce qui faisait l'attrait de ce magazine, "13 heures 15 le samedi", sur FR 2, alors qu'"Envoyé spécial" ne propose plus que des reportages plutôt poussifs sur des sujets sans cesse revisités (sauf rares exceptions)… C'est que "13 h 15" a un point de vue. Il fait court, très resserré, il est pertinent et impertinent, créatif, en bref il a un style, une écriture. C'est une "couleur" très "Canal Plus", du temps de sa grandeur. A ce propos, il faut encore saluer "L'Effet Papillon", en clair le dimanche sur ladite chaîne.
CULTURE
Plat, plat, Platel
"pitié !", d'Alain Platel, au Théâtre de la ville
Le public applaudit à tout rompre. Quelques sifflets, quelques hou ! (dont le mien) pour la chorégraphie…
Le public n'a sans doute jamais vu les premières productions de Platel, petites merveilles de décalage, de mauvais esprit, d'invention. Mais voilà, Platel est devenu une vedette, et le public est acquis d'avance. Il aurait mieux fait de continuer à faire ce qu'il savait faire : tout sauf de la danse. Car quand il s'y essaie, c'est une catastrophe. Le vocabulaire gestuel ici est d'une indigence à pleurer, et outre deux ou trois moments forts, l'on croirait sur scène un cours de premier trimestre d'amateurs dans une MJC, avec un animateur sans imagination. Les voici mimant tics et tocs, contorsions grotesques, jeu classique de la statue vivante pour faire une belle pieta… sans qu'à aucun moment on puisse dégager le quart du début d'un propos, d'une émotion, d'un dessein, d'un dessin. Ils souffrent, Dieu est mort (du moins c'est ce qu'on lit dans les critiques, car ça ne se voit pas sur scène), mais nous aussi !! Quelque part, je soupçonne Alain Platel de le regretter quelque part, que Dieu soit mort, car au fil de ses spectacles, les références au mystique ne sont pas rares. 10 ans de psychanalyse ou une retraite à la Grande-Chartreuse et il n'y paraîtra plus !
Heureusement, il y a la musique de Fabrizio Cassol et de son groupe free jazz Aka Moon, variations géniales sur "La Passion selon St Mathieu" de J.-S. Bach. Et les formidables chanteurs, dont un incroyable haute-contre.
Aux 3/4 du spectacle, j'ai enfin réalisé qu'il eût été tellement chouette de se contenter du concert sans ces pitoyables pantins, là, devant. Alors j'ai fermé les yeux. Mais le mal était fait !
Lisez ici une remarquable analyse de ce spectacle.
GRAND CONCOURS DE L'ÉTÉ
RÉSULTATS
Et le gagnant est… Maurice !
Qui m'a envoyé ce superbe quatrain et qui comme prévu recevra un camembert bien fait (dont il a déjà mangé la moitié chez moi il y a peu)
Rêver trop de ma mie gonfle mes génitoires ;
Le taureau que je suis ayant été un veau,
Se masturbe souvent de main aléatoire
Le membre, gredin sec, jaillit comme un thon haut
A bientôt pour de nouvelles aventures,
Et souvenez-vous que :
Mais non, Pinocchio n'avait pas de bête antique !
Votre ami dévot
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Moi j'aime bien le rapport de proportion 16 sur 9, je le trouve un brin plus élégant que le 4 sur 3, plus élancé, moins pataud et bien qu'il soit encore loin du 1,618 (doré), il s'en rapproche. N'est-ce pas ça le progrès ?
RépondreSupprimerQui a dit le contraire ?
RépondreSupprimerEt c'est précisément parce que les programmes ne sont pas, jusqu'à ces jours-ci, émis en 16/9 que c'était une cote mal taillée !
Pour Pitié, c'est trop gentil, merci! A lire les autres et nombreuses réactions sur les blogs, personne n'a aimé la danse, beaucoup, comme vous, ont aimé la musique (mais certains non, souvent des amateurs de Bach et puristes).
RépondreSupprimerLa presse pro. était plus favorable, mais embarassée quand même, avec des réserves du bout des lèvres!
Le pire, c'est que j'adore aussi l'original de la Passion selon St Mathieu (que je me suis réécouté hier)… L'un n'empêche pas l'autre…
RépondreSupprimerTrès bonne cuvée ! (Et je ne dis pas ça parce que j'en fait partie !)
RépondreSupprimerMaurice
Mon cher Justin, IMPACT n'est pas un anglicisme. Il vient du latin "impactum", et est attesté en Français dès 1827.
RépondreSupprimerLe Tarmac, n'est pas "une" piste d'atterrissagge (il y a tellemment de doubble-consonnnnes dans ce mot, qu'il me paraît urgent de réfformer l'orthothographe). Le Tarmac, c'est une piste de dégagement uniquement destinée au roulage des avions. Quand un mot pratique existe ailleurs, n'hésitons pas à l'adopter.
C'est ce que font les anglo-américains, avec déjà-vu, et voilà, la creme de la creme,
Et des dizaines de milliers d'autres mots qui ont été adopté pendant 200 ans de règne Normand....
A part ça, j'adhère à bien des choses sur ton site (tu as dit "blog" ? Quelle horreur),
sauf à tourner en dérision l’idée que la catastrophe scolaire ne daterait pas de l’après 68. Hélas, reconnaissons que c’est tristement vrai....
Mon cher Jean,
RépondreSupprimer1. IMPACT est effectivement un mot d'origine latine, dans son acception "collision, heurt" (1824, selon le Robert). Or, il n'est plus aujourd'hui utilisé que dans son acception anglophonique à la mode (inutile de me faire des réflexions quand j'invente des mots !), à la place d'influence, effet, conséquence, qui à ce que je crois proposent des nuances un peu moins radicales… C'est ici le snobisme que je stigmatise (c'est mieux quand on cause comme les amerloques), et non la pureté de la langue !!
2. Le TARMAC, quant à lui, désigne effectivement les "parties réservées à la circulation et au stationnement des avions". Tu penses bien qu'avant de poster mes chroniques, je vérifie tout ça. Sauf que c'est sympa, frais et moderne, et que du coup ça devient un cliché paresseux pour désigner de façon générique tout ce qui constitue le sol d'un aérodrome ou d'un aéroport. Ça vient de l'anglo-américain "tarmacadam", alors tu penses, c'est vachement mieux…
3. Ton argument sur les mots adoptés par la langue anglo-américaine, de "rendez-vous" à "de luxe" en passant par "voulez-vous coucher avec moi", je l'archi-connais par cœur. Seulement, une fois qu'on a listé une poignée de mots (le lieu commun des pédants, c'est le fameux "flirt" qui viendrait de "conter fleurette"…), on a bien du mal à rivaliser avec le raz-de-marée actuel de la langue anglo-américaine, dans ses mots (le plus souvent revisités), dans ses tournures ("Je suis "juste" effaré"), et de manière plus insidieuse, dans la structure même de la pensée. Et si, comme disait Lacan, l'inconscient est structuré comme un langage, espérons que notre européenne spécificité n'aura pas à y perdre son… âme… La langue bouge, tant mieux. De là à suivre tous les effets de mode… Tu reconnaîtras bien là mon indécrottable goût de l'indépendance et de la singularité. Mais c'est comme pour la crise financière : un jour, je serai moderne à avoir défendu des idées qui n'étaient point dans le sens du vent !
et que dire alors de "process" qui remplace bien souvent "processus" ? Est-ce à cause de la consonance de sa terminaison que les fines bouches ont du mal à s'en délecter ?
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