(Un dessin de Tignous emprunté à Marianne, juillet 2007)
Chaval avait publé en 1964 "Les oiseaux sont des cons". Je ne me prononcerai pas sur la question, mes connaissances ornithologiques restant assez rudimentaires. Il y a un colibri que je trouve stupide, en revanche, c'est celui qui va éteindre certains feux de forêt goutte à goutte. Mais bon : chacun sa croix, et les écolos seront bien gardés. Je vous propose pour cette édition (assez copieuse, pardon) un florilège assez hétéro (clite) d'humeurs sur des sujets aussi variés que les terrasses de café, Jean-Luc Mélanchon ou les chansons de Gérard Darmon, grand poète lyrique. N'hésitez pas à protester de vos commentaires acerbes : le mode d'emploi pour les publier est ci-contre.
LA GRAND'MESSE ÉCOLO
Les trois chevaliers de la chaufferette :
Martine Billard,
Noël Mamère
et Yves Cochet
1. Chauffer les courants d'air
Dans la catégorie "têtes à claques" de l'année, je ferais bien un joli paquet-cadeau avec les trois députés écolos de Paris qui sont récemment partis en croisade contre… les chaufferettes des terrasses : Yves Cochet, Martine Billard et Noël Mamère (fort sympathique par ailleurs) !
Ces trois défenseurs zélés de la planète considèrent en effet que les vrais responsables de l'effet de serre, ce sont les quelques fumeurs résiduels qui, privés de cafés où ils pourraient se livrer à leur coupable vice, se réfugient inconsidérément, — les pécheurs, les mécréants, les salauds ! — sur les terrasses chauffées. Horreur malheur ! Et contrairement à Saint Martin, M. Mamère ("Ah lala Mamère ! J'ai encor' d'l'argent pour bouère", disait une ancienne chanson) leur propose de "garder leur manteau".
D'abord, Noël, si tu y étais allé, tu saurais que sur les terrasses, même avec un chauffage au gaz, le manteau, on est bien obligé de le garder ! Et pis c'est sûr que c'est pas les clims des bureaux, les camions ni les usines qui polluent : c'est les trois chaufferettes. C'est pas la vapeur d'eau (voir chronique précédente) ni les centrales à charbon, c'est les chaufferettes.
2. Le colibri est un con
Alors, vient la fameuse parabole du colibri, que mon copain F. m'a contée l'autre jour. "Je fais ma part", confie le colibri en portant une goutte d'eau pour éteindre l'incendie de forêt, devant les sarcasmes des autres animaux. Je croyais qu'il l'avait inventée, cette histoire, et puis je vois qu'elle est connue. Ça vient d'un certain Pierre Rabhi ("La part du Colibri", Ed. de l'Aube, 4,66 € chez Amazon.com) "d'après une légende amérindienne". C'est joli, et à une métaphore on fait dire ce que l'on veut. Pour ma part, je trouve que le colibri est un con, et qu'il ferait mieux de militer pour changer les choses, ou à tout le moins de voter, ou à tout le moins de fonder une assoce pour acheter un Canadair ! Et en attendant, d'aider les pompiers.
Ma copine C. s'en mêle : "Je ne m'attendais pas à ce qu'un jour j'entende quelqu'un défendre l'idée que chauffer les courants d'air est une bonne chose !". Elle a raison, C. : c'est absurde ! Comme est absurde l'idée d'allumer la nuit pour éclairer ! (Chez moi, on disait "Je ne vais pas brûler le jour" !) Absurde également l'idée de se déplacer dans un truc en ferraille qui pèse une tonne (avec un rendement énergétique de 10 à 30 %) pour aller au travail ! Absurde d'acheter le moindre produit fabriqué en Chine qui est probablement le plus gros pollueur de la planète !
L'homme est absurde ! La preuve : il a inventé l'art (qui ne sert à rien), les religions (qui foutent la merde)… et les écolos purs et durs !
La civilisation est précisément fondée sur la lutte de l'homme contre la nature (et pour une fois je suis d'accord avec J.-M. Ribes), ce truc parfait qui fait juste les cyclones et les tsunamis… Et je ne suis pas loin de penser que le vrai drame écologique, c'est la démographie galopante. Qui en parle ?
Mais je m'enflamme. F. me fait remarquer que C. est Suisse, et qu'à ce titre elle est habituée depuis son plus jeune âge à faire attention à la portée environnementale de ses faits et gestes. La Suisse, ce beau pays où l'étiquette des pots des yogourts est séparée du plastique à cause du tri sélectif. Je m'esclaffe ! Le pays de GLENCORE, qui pollue les eaux et rase des villages en Colombie… Le pays de NOVARTIS, le groupe pharmaceutique qui se bat avec l'état indien en 2006 pour rendre impossible l'accès d'un médicament anticancéreux aux pauvres par l'intermédiaire des génériques… Celui de SYNGENTA qui commercialise aux Etats-Unis un pesticide dangereux (l'atrazine) interdit en Europe !
3. La culpabilité
A cette étape du politiquement, culturellement, écologiquement correct, on rejoint une des pulsions les plus enracinées de l'âme humaine : le goût de la culpabilité. Entre les trois sodomisateurs de diptères cités plus haut et les zélateurs judéo-islamo-chrétiens de tous ordres, il y a en commun cette irrépressible propension à vouloir expier (je ne suis qu'un colibri mais il faut que je paye) ou encore à désigner les fautifs avec délectation. Là, on touche au retour du refoulé, le père-fouettardisme chevillé au corps de certains de nos contemporains et moult fois stigmatisé ici.
Allez ! On va pas changer l'âme humaine.
PETITES CHOSES
Basse consommation
Les ampoules "basse consommation" durent au bas mot trois fois plus longtemps (prouvez-moi le contraire, j'en ai chez moi), mais elles coûtent cinq fois plus cher. En plus, elles contiennent du mercure (d'après Wikipédia). Merci Mazda. Ah lala, le bilan écologique d'un truc, c'est toujours vachement plus compliqué qu'on croit !
Abandonnez votre enfant
Vu qu'ils ne veulent plus de l'avortement, les Etats-uniens ont inventé l'abandon légal d'enfant. Si Alexandre refuse son biberon, allez le déposer au Nebraska (jusqu'à 30 jours depuis la nouvelle loi, dépêchez-vous !)…
Educateur d'éducation !
Je viens de remarquer que l'appellation des profs de sports, depuis longtemps à l'Educ' Nat' qui adore les sigles, c'est "Prof d'EPS". Autrement dit "Professeur d'EDUCATION (physique et sportive)" ! C'est comme ces politiques ou ces journalistes qui parlent de "petite" ou de "grande" PME (autrement dit, une petite ou grande PETITE ET MOYENNE ENTREPRISE !) Je suggère : "l'apprenti d'apprentissage".
Obama
Comme l'a dit Hollande au lendemain de l'élection d'Obama : "C'est le président des Etats-Unis, ce n'est pas le président du monde…" Un petit coup d'œil aux programmes télé de ce soir, tiens : combien de séries ou de téléfilms états-uniens sur les chaînes principales ? Allez, on parie ?
Nouveau slogan de combat pour les affligés du travail, comme me voilà : YES, WEEK-END !
Légère érection pour le Pdg (Parti de Gauche)
Vous allez rire : Mélenchon m'excite ! Il est moche, mais il m'excite ! Ses prestations sur France Inter ce matin ou encore sur Public Sénat ce soir (FACE À NOUS) ont été brillantissimes ! J'attends de voir, mais les résignés du libéralisme, les comptables, les réalistes, finissent par m'emmerder : plus je vieillis, moins je deviens "raisonnable". Ce ne sont pas les idées sages qui font avancer les choses. Et peut-être même pas les idées tout court, mais la tension entre elles. C'est pas la prise en compte des notaires pour la souffrance des pauvres qui a fait progresser le droit du travail, ce sont les tensions.
Me revoilà marxisant, ce soir, tout soudain. Beurk ! Même pas "moderne" (comme Ségo et la gauche de droite) !
LITTÉRATURE
Une leçon de chanson
Quand j'ai entendu ça sur France Inter, l'autre matin, j'ai cru qu'il s'agissait d'une parodie.
Impardonnable bévue ! Une réécoute attentive m'a confirmé que j'allais passer à côté du chef d'œuvre. De LA chose auprès de laquelle Ferré, Brassens, Nougaro, Gainsbourg et même François François sont des nains ! Applaudissements nourris chez Stéphane Bern !
Gérard Darmon sort son dernier opus, intitulé "On s'aime". Gérard Darmon, c'est l'acteur rigolo des films de Les Nuls. Il est plutôt bon sur l'écran. Et il chante aussi.
Je me suis livré pour vous à une petite analyse de la chanson vedette, "Dans les rues de ma jeunesse", afin de vous faire comprendre que la fabrication d'une chanson, c'est pas du petit lait :
Dans les rues de ma jeunesse
"Dans les rues de ma jeunesse
Les fill's, c'était des princesses
Les voitur's, c'était des DS (1)
Sagan faisait (2) "Bonjour Tristesse"
(1) La rime semble hardie, mais c'est ce qu'on appelle la "licence poétique" (à défaut d'être universitaire)
(2) GD écarte "Sagan ECRIVAIT", plus riche, mais ça aurait fait un pied de trop.
Ici, quoi que lui ait suggéré son dictionnaire de rimes, GD n'a pas écrit, et nous lui en sommes reconnaissants :
"On n'avait pas mal aux fesses
On n'en faisait pas des caisses
On changeait jamais d'adresse
J'allais tout le temps à la messe"
C'est cependant tout l'univers de la chanson nostalgique et poétique (Daniel Guichard, Hervé Vilard, Philippe Clay, Bertrand Dugenou) qui nous saute à la gueule : "Les filles, c'était des princesses, les voitures, c'était des DS", c'est tout une époque. Et une époque révolue ! Car si les voitures sont encore des Ds…
"Dans la maison de mon enfance
Ma chambre était un placard
Je me lavais dans la cuisine
Et le dimanche aux bains publics"
(Ici : grosse fatigue de l'auteur, ou perte momentanée du dictionnaire de rimes. Il est aussi envisageable que ça ait été le dernier jour pour rendre celui-ci à la médiathèque Jacques Prévert. On ne saurait lui en vouloir, car la poésie contemporaine s'est affranchie depuis longtemps des contraintes de versification)
"Sur les écrans de ma jeunesse
Les fill's ne montraient pas leurs fesses (3)
J'aimais les mûr's et les western(e?)s (4)
Et m'envoler loin de la Seine"
(3) Une paille ! Sans réfuter en aucune façon les souvenirs de l'auteur, qui lui sont parfaitement personnels, je dois à la vérité de lui rappeler, comme j'ai quasi le même âge que lui, que Mmes Bardot et Andress… Mais bon.
(4) "Western" N'EST PAS une rime féminine et ne peut pas, en principe, rimer avec Seine. En plus, "ern" et "enn", ça fait deux. Mais on voit ici à l'œuvre le vertige créateur qui ne s'encombre pas des trivialités. Les ailes de géant, je vous dis…
"Dans les journaux de mon enfance
Y avait Buck John et Blek le Roc
Tintin et l'capitaine Hadock
Et les héros du Tour de France" (5)
(5) Les "héros du Tour de France" ont évidemment cessé d'exister, depuis les "affaires" diverses en dépit du plein gré des coureurs. L'air de rien, GD pointe un fait de société important sans avoir l'air d'y toucher. C'est du grand art.
"Sur les routes de ma jeunesse
Ça sentait bon les vacances (6)
On allait chercher le soleil
A l'autre bout du monde, (à) Marseille" (7)
(6) C'est effectivement une spécificité de ces temps-là.
(7) Plaisanterie.
Dans ce couplet, on constate que l'auteur se rapproprie en douce les contraintes. Et si les deux dernières rimes sont approximatives, elles jouent astucieusement en contraste avec les deux premiers vers du couplet, qui sont libres.
Je vous épargne la suite, car l'ensemble fera probablement l'objet d'une thèse dont je vous communiquerai en temps utiles les références.
Il me reste à vous parler de la musique, signée de l'immense Marc Lavoine, qui se situe à mi-chemin entre Schönberg et Charles Dumont, en moins mélodique. Violons et boum-boum très très contemporains (des années 60), ce qui donne un amusant coté kitsch. Les grincheux, bien sûr, convoqueront les souvenirs de Bruno Carette dans le personnage de Jean Meyrand, chanteur engagé, dans les Nuls de la belle époque, mais ce ne seront que méprisables médisances.
Si vous souhaitez vraiment encore, après cela, écouter un bout de cette chanson, cliquez ici. Bonne chance !
Et malheureusement :
J'aime pas Tacite, vieux beau !
(Merci à Joël Martin, La Bible du Contrepet)
L'inutilité de l'art comme preuve de l'absurdité humaine pour justifier de chauffer les courants d'air ?
RépondreSupprimerFoutre-cul-de-diable-diantre, mon ami, comme tu y vas !
Est-ce donc là ton besoin de créer de la tension entre les idées qui s'exprime ?
Maurice m'a envoyé ça :
RépondreSupprimerUne fois de plus, je n'ai pas réussi à faire passer mon commentaire sur ton -remarquable- envoi de ce jourd'hui.
Comme je prends maintenant mes précautions, le voici :
Je ne suis pas d'accord avec ton jugement sur Gérard darmon. Rimer, c'est facile: il suffit que ça sonne pareil. Alors que donner un sens profond avec des mots superficiels, mimer l'apport du plein avec du vide, c'est faire donner à plein toute l'humanité d'un monde en totale désespérance. Si tu avais un peu plus le sens de la poésie, tu sentirais dans tous ces (re)vers, la magie de la parole, celle qui peut - à ceux qui ont reçu la lumière - la véritable transe en danse qui donne aux corps (qui, même inanimés, ont malgré tout une âme ), offrir en quelques souffles empreints de poésie, donner à l'auditeur la voie de l'éternité grâce à celle - la voix - dont use la parole.
(bon, j'arrête, parce que je dois aller pisser)
Hébin moi je trouve tout bon dans la dernière chronique de lamidevo : y'a koi déjà?... Ahoui ! La granmesse écolo (y'en a marocanar(d) de se faire chauffer comme si nous étions responsables de ceux qui polluent pour s'enrichir : ne comptez par sur moi pour le tri sélectif alors que je paie déjà pour le ramassage des ordures. C'est comme tous les produits laitiers allégés : on prend le lait, on retire une bonne partie du gras avec lequel on fait du fromage —blanc par exemple — entre 0% et 40% maxi dans les grandes surfaces et il reste encore du gras pour faire un autre produit. Résultat : on fait trois produits pour le prix d'un qui nourrissent (mal) trois fois moins pour trois fois le prix, etc...). Y'a aussi Darmon, bon ! c'est naze du genre con-ton-sfai-vieu-on fai-danlanos-talgie c'est justement à ça (pour les aveugles) con reconet les vieux con-du-mal à accepter de s'éloigner de la jeunesse et du monde contemporain, etc, etc... Ya quoi encore ? Aoui ! Y'a C la Suisse: cki C lasuisse? Elle a l'air sympa -et mystérieuse- comme une île. Conclusions : tu prends un écolo, tu l'envoie sur une île et tu lui fais écouter du Darmon toute la journée. Résultat ? Je vous laisse réfléchir "là-dessus"...
RépondreSupprimerLe Prince Sansnom
Suite un commentaire qui m'a été adressé personnellement, je me dois d'apporter quelques précisions pour ne pas être compris de travers :
RépondreSupprimerJe ne suis pas plus qu'un autre indifférent au devenir du monde. Je prends le train quand je peux éviter l'avion et je me déplace en vélo, en scooter ou en transports en commun. Cela dit, il est toujours difficile d'évaluer le bilan écologique d'une action dite bonne pour l'environnement : combien de pétrole pour transporter les étiquettes de yogourt à l'usine de recyclage, par exemple ? Combien d'énergie utilisée pour fabriquer des panneaux solaires ? Etc.
Quant au CO2, j'ai plusieurs fois ici exprimé mes doutes sur la responsabilité véritable des activités humaines sur ce fameux effet de serre. Mais bon : la chose semble entendue et il n'est rien de plus désagréable que de lutter contre l'opinion dominante ! Mais non, la terre ne tourne pas autour du soleil, cher monsieur, puisque personne ne pense comme ça ! Quant aux microbes, c'est prouvé, ils apparaissent par génération spontanée ! (Heu, je ne me prends pas non plus pour Copernic ni Pasteur…) Simplement j'ai une certaine propension à éviter de hurler avec les loups de la tendance avant de m'être informé…
Alors oui, je crois qu'il y a parfois des combats plus importants à mener que les chaufferettes et les étiquettes de yaourts…
C'est juste un peu fatigant, parce que justement il est des "problèmes de la planète qui [nous] sont inaccessibles"…
Justin